Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/165

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l’arbre. Il y eut un moment de pénible silence.

Jean se retourna. Il posa sa main, pitoyable et tendre, sur celle de Paule.

« Pauvre enfant ! soupira-t-il… C’est bien malgré moi que je vais raviver votre chagrin… Mais vous le savez, il faut absolument que vous me disiez tout. Il y a, sous notre tragique malheur, plus de choses que vous ne croyez…

— Je le pressens, Jean, et je vous jure que je ne vous cacherai rien. »

Comme le récit de Paule devint peu à peu clair, nerveux, vivant !… Jean avait de nouveau devant lui, Marc, son cher aveugle héroïque !… Il défendait contre un agresseur assoiffé de vengeance, d’abord l’entrée de la chambre de son bienfaiteur ; puis, l’accès du meuble contenant la lettre du roi et la montre ; puis, ces objets eux-mêmes, dont il s’emparait tandis que l’ignoble voleur fouillait à quelques pas !… Avec quels yeux lucides, Jean assistait à l’arrivée de Paule, dont une absence malheureuse avait favorisé d’infâmes projets… Hélas ! la bonne petite sœur n’était accourue que pour recevoir entre ses bras, Marc, frappé d’une balle en pleine poitrine !… Et alors, ô misère, ç’avait été la fuite du meurtrier, le pistolet fumant au poing…

« Paule, interrompit Jean, parmi les voisins, attirés par le bruit de la détonation, aucun ne se lança à la poursuite du misérable ? »

— Il était déjà loin. Il avait vite sauté sur le cheval qui l’avait amené. Et une fois sa bête au galop… »

Paule se tut. Elle frémissait toute, de nouveau, sous le coup de sa douleur fraternelle, ouverte, mise à nu sans pitié. « Marc, Marc, gémissait-elle, tout bas, ton cœur héroïque n’a pas faibli à l’heure suprême du sacrifice…