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Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/205

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que la brûlure que je sens, en ce moment, durement à mon épaule, si je la compare au feu qui torture mon cœur, parce qu’il se voit méconnu, soupçonné, méprisé ? »

Jean tenait la tête baissée. Il la releva tout à coup et se vit avec surprise entouré de fumée. Son cheval n’avançait plus qu’avec peine. L’atmosphère devenait étouffante. La princesse se plaignait même dans son sommeil. Une chimère apparut enfin et, tout au fond, les eaux miroitantes d’un beau lac. Le cheval s’arrêta, hennit doucement, puis refusa d’aller plus avant. Jean regarda avec attention le terrain conduisant au lac. Il était couvert de tronc rougis par le feu. « Feu de forêt à peine éteint » observa-t-il. Il descendit de cheval. Il prit entre ses bras la princesse toujours profondément endormie. Avec de tendres précautions, il la déposa près d’un arbre que l’incendie avait épargné comme par miracle. Il revint ensuite pour attacher et caresser son fidèle coursier. Il avait disparu. Sa mission sans doute était finie.

Jean réfléchit quelques instants, puis ses yeux brillèrent. Vivement, il enfonça dans ses bottes les semelles blanches, cadeau de son souriant professeur de danse. Il lui semblait entendre sa voix de crécelle : « Petit, si l’on veut te faire danser sur des charbons ardents, chausse-toi de ces semelles ! »

Sans peine, il franchit, avec ce secours, le court espace de terrain qui le séparait du lac. La construction d’un radeau devenait urgente, Jean l’avait deviné. Le soleil baissait à l’horizon et il lui fallait atteindre le palais avant la nuit.

Il fut vaillamment à la besogne. Tout en travaillant, il tenait ses yeux fixés sur l’horizon. Avec une joyeuse surprise, il distingua bientôt dans le lointain les tours du château de Grolo.

Le radeau au bout d’une heure était terminé. Jean qui avait dû le fabriquer en se tenant dans l’eau jusqu’à la ceinture regagna la grève en frissonnant un peu. La princesse l’y attendait, les yeux terrifiés. De la main, elle lui montrait le ciel. Il se couvrait de lourds nuages