Page:Daveluy - Le filleul du roi Grolo, 1924.djvu/66

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— Je ne serais qu’un lâche, murmura Jean.

— Non, mon fils. Saisis bien la différence : Tu dois vaincre ton ennemi en loyal et juste combat, si les circonstances le permettent. Tu ne dois pas le haïr. Plains-le. Crois-tu que l’existence lui soit agréable ? Moins, bien moins qu’à toi. Car, outre les misères inhérentes aux humains : la maladie, la fatigue, les deuils, les déceptions, il y joint les ennuis d’une conscience troublée, les angoisses d’un cœur insatisfait, envieux, haineux. Il s’étourdit sans doute. Il s’absout volontiers, parce qu’il ne regarde pas de très près en son âme, comme tous les coupables. Il ne réussit pas toujours à se tromper, loin de là. On ne quitte pas impunément les droits sentiers, petits. »

Le gnome rabattit en souriant le voile sur le tableau de Jean.

« Je vais confisquer ton œuvre, Jean. C’est de l’huile sur le feu. Il faut reprendre ton calme. »

Jean se secoua. Il fit quelques pas puis, soudain, devenant mélancolique : « Cher maître, dit-il, ne vous donnez pas ce mal. Il ne remédierait à rien. » Et mettant un doigt sur son front, il déclara : « L’image de la scène où je fus cruellement dupé et humilié est gravée là, en caractères ineffaçables. Alors, que ce tableau soit ou non sous mes yeux… » Il haussa les épaules.

— Vraiment, reprit le gnome ? C’est donc contre ta raison qu’il me faut lutter ? Bah ! je vais y mettre ordre, et sans trop de peine. Écoute-moi bien… Si, par hasard, tu avais à ta merci le rusé seigneur, mais qu’il fût pau-