Page:Daveluy - Les aventures de Perrine et de Charlot, 1923.djvu/135

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
Les aventures de Perrine et de Charlot

moustiques, et l’orage fera le reste, » explique-t-il. On taquine le jeune homme qui reçoit déjà la pluie. Sa gentillesse est perdue.

Mais à l’averse succède un orage, qui persiste une heure, deux heures. Le soleil, lorsqu’il reparaît, est bas à l’horizon. On ne peut songer à se remettre en route. Impossible, d’ailleurs, de trouver pour cette première nuit passée à la belle étoile une rive plus secourable, une grève au sable plus doux.

Le soir descend, calme, apaisant. Le voisinage des grands bois, rafraîchis et parfumés par l’orage, agit sur l’humeur de tous. L’on cause presque gravement. Les cinq petits : Marie de la Poterie, Catherine et Jean-Baptiste de Repentigny, Perrine et Charlot s’amusent aussi sans bruit. Lorsque l’heure du repos sonne, fillettes et garçonnets défilent devant l’abbé de Saint-Sauveur qui marque leur front pur du signe de la croix. Mesdames de Repentigny et de la Poterie veillent durant quelques instants auprès des petits lits en sapin improvisés. Puis elles s’éloignent avec un sourire. Julien l’idiot s’est étendu à l’entrée de la tente des enfants. Deux pistolets à la ceinture, une hache à la main, le matelot défie tous les dangers. « Qu’une de ces canailles d’Iroquois vienne, a-t-il dit tout à l’heure aux enfants, je lui fais son affaire sans qu’il puisse crier : ouf ! Je ne dors que d’un œil, moi ! » Et les petits, émerveillés, sont restés bouche bée devant cette bravoure. Dans leurs rêves, ils revoient Julien. Il est devenu un bon géant qui ne dévore pas les petits enfants, mais les protège…

Peu à peu tous se sont également retirés. L’on dort confiants sous la garde des soldats du gouverneur, qui se relèvent de deux heures en deux heures.