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Page:Daveluy - Michel et Josephte dans la tourmente, paru dans Oiseau Bleu, 1938-1939.djvu/220

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signe de compassion, et aussi d’un peu de révolte. Oh ! cette maudite guerre, qu’elle avait fait de victimes… La campagne elle-même, tout autour, portait clairement les marques du passage des ennemis. Ils avaient fait leur sinistre besogne avec soin. Tout apparaissait brûlé, détruit, ou affreusement ravagé. Les lueurs du couchant, une brise chantante et fraîche, n’enveloppaient que de plus de mélancolie ce coin où l’on venait de se battre héroïquement. Des ruines, encore des ruines, voilà ce que les yeux buvaient sans fin, car on approchait du tragique village de Saint-Charles.

Des frémissements nerveux agitèrent Olivier. Il dévorait ce paysage du Richelieu qu’il aimait, et d’où il était parti, ignominieusement enchaîné, il y avait si peu de temps encore… Mais une sorte d’attendrissement domina bientôt tout dans son âme. Ce cadre, où il cheminait, c’était celui qu’avaient connu et aimé tous les anciens de sa famille. Qu’ils avaient peiné autour de ces champs où bientôt pousserait très dru le blé nourrissant. Car ils s’étaient vite entendus avec la vieille terre, sur laquelle ils se penchaient. Elle se laissait remuer sans fin, labourer, creuser, fière de la semence qu’on lui confiait. Elle donnait à celui qui s’acharnait au labeur ce pain dont il ne pouvait se dispenser.