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Page:Daveluy - Une Révolte au pays des fées, 1936.djvu/92

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une révolte au pays des fées

Don Quichotte se mit à marcher à grandes enjambées, afin d’établir en ses veines une généreuse circulation. Il se trouva bientôt sur la grève, à l’une des pointes extrêmes de l’île. Ses yeux se portèrent avec admiration sur une chute d’eau qu’il voyait briller et chanter de l’autre côté de la rive. « Oh ! le long, le ravissant ruban d’argent liquide ! se dit-il. Il a la blancheur du lait qu’on vient de traire. Avec quelle abondance, il se répand, tout en fumant et en bouillonnant d’aise !… Magnifique !… Merveilleux !… Divin !… Ah ! »

Don Quichotte venait d’apercevoir, se tenant à peu de distance, une gracieuse ombre blanche. Elle allait, venait. Ses longs cheveux noirs étaient dénoués. Ses petites mains se tordaient avec angoisse. Des gémissements de colombe sortaient de temps à autre des lèvres exsangues. Ces plaintes se mêlaient, se confondaient avec le grondement sourd de la chute.

Toujours courtois, Don Quichotte vint s’incliner très bas, à quelques pas de l’apparition : « Madame, dit-il, qui que vous soyez, laissez-moi vous offrir mes hommages. Aussi l’appui de mon invincible épée. Quelle douleur semble la vôtre ! Ne puis-je vous soulager ? Que ne donnerais-je pas pour vous tirer d’une détresse que mon âme chevaleresque peut à peine supporter. Je vous en prie, madame, ayez confiance en le dévoué serviteur que vous avez en moi. Parlez. Qui vous a fait ce mal ? »

L’ombre gracieuse s’immobilisa avec surprise. Puis, elle s’enveloppa dans ses longs voiles légers. « Chevalier au noble cœur, dit-elle, sa voix était mélancolique, un peu traînante, assez distincte, que faites-vous ici, à pareille