Page:Daviault - Histoires, légendes, destins, 1945.djvu/180

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Eh bien, non. Pierre Bourchardon, dans ses Procès burlesques, révèle que Courteline transposait tout bonnement à la scène un fait réel. Du moins, si Courteline ne connaissait pas cette histoire, il la réinventait de toutes pièces et la coïncidence était bien extraordinaire.

Voyons d’abord l’intrigue du dramaturge. La scène unique nous fait assister à l’audience du tribunal correctionnel, où le substitut Saint-Paul Mépié, avant d’aborder les affaires du jour, demande à tous le Journal Officiel : il attend sa révocation « parce que le cousin du gendre du beau-frère de sa belle-sœur a décidé sa tante à mettre son filleul aux jésuites de Vaugirard ». Comme on le voit, cela se passait aux beaux temps de l’anticléricalisme. C’est loin !

Sur ce, commence l’interrogatoire d’Oscar-Ildefonse Lagoupille, lampiste au ministère des affaires étrangères. Lagoupille fréquente un petit café, Au pied qui remue, où, chaque jour, il dépense six sous, soit le prix d’une consommation, grâce à quoi et à de savants mélanges où jouent leur rôle : un café noir, trois morceaux de sucre, une carafe d’eau et un carafon de cognac, il se confectionne : un mazagran, un gloria, une eau sucrée, un grog, une fine et enfin un brûlot. Un beau soir, il a rossé le limonadier, monsieur Alfred. Me Barbemolle défend Lagoupille avec des accents pathétiques.

Mais, au milieu de ce plaidoyer, le substitut apprend non seulement qu’il est révoqué mais que Me Barbemolle le remplace. Interrompant à peine le fil de son discours, sans rien perdre de sa verve, ce dernier abandonne sans transition la défense de