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— Il faut absolument que je paye aujourd’hui même soixante francs qu’on va venir chercher tout à l’heure, soupira Collin. — Oh ! qu’à cela ne tienne ! déclare Baculard avec fierté. Je ne voudrais point laisser dans l’ennui un ami tel que toi. Les voici. » Sur quoi, d’un geste magnifique, il lui consent la somme demandée. — « Ah ! merci, ah ! merci, dit Collin, sans toi je me demande comment j’aurais fait ! » Depuis si on parlait mal de Baculard en sa présence, Collin d’Harleville s’écriait : « Évidemment, il a bien ses petits défauts ; mais il m’a tiré d’un rude embarras ! »

C’est René Peter qui raconte cette anecdote savoureuse dans le quatrième volume, tout récent, de sa Vie secrète de l’Académie française.

Collin n’était pas le plus négligeable des académiciens de Bonaparte. L’époque manquait d’écrivains. Mais il s’en trouvait et, parmi eux, Lacretelle aîné, qui n’est du reste comparable en aucune manière, pour le talent, à l’actuel académicien Jacques de Lacretelle.

Il était célèbre au barreau. Appelé à défendre deux juifs de Metz à qui on refusait des brevets de marchands (que devient un juif qui ne peut être marchand ?), il avait eu, devant les autorités municipales, un mot irrésistible : « À vous de décider, messieurs, si les juifs sont des hommes ».

Pourtant Lacretelle avait la parole timide. En conséquence de quoi, il écrivait ses plaidoiries qu’il récitait ensuite les yeux sur ses papiers. Il écrivit tant qu’il devint écrivain. Il concourut pour un prix académique, où il fut battu par Garat, futur académicien, autre avocat qui avait eu la tâche peu enviable d’annoncer à Louis XVI qu’il devait se