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rendre à la guillotine, tous les recours ayant été repoussés.

Lacretelle revint à la charge, ayant encore pour rival un jeune avocat de grand talent, c’est-à-dire Robespierre, futur doctrinaire de la Terreur. Il fallait discourir sur le préjugé des peines infamantes. Robespierre mit dans son discours des phrases d’une humanité si touchante qu’il faillit gagner le prix. Lacretelle l’emporta, mais, tout en blâmant le style prétentieux de son rival, il loua fort « les bons sentiments de l’excellent jeune homme ».

Par la suite, l’admiration de Lacretelle pour Robespierre s’attiédit au point de valoir à cet homme indépendant la réputation de royaliste forcené, ce qui faillit lui coûter la tête. Mais il n’était pas tellement royaliste qu’il n’encourût, sous la Restauration, la colère de Louis XVIII. En conséquence de quoi, il connut de près, pendant un mois, la « paille humide des cachots ».

Raynouard était un attachant poète, dont la tragédie des Templiers remporta un éclatant succès à la Comédie française. Mais, l’auteur n’en vit pas une seule représentation. Il préférait, à l’agitation de la ville, le murmure de son ruisseau. Il fuyait les intrigues. Malgré cela, ou peut-être à cause de cela, il acquit une influence énorme à l’Académie. Ce fait est assez remarquable pour qu’on le note.

L’Académie admettait volontiers les auteurs dramatiques. Elle dédaignait les interprètes de leurs pièces. Dès le début, elle avait fermé ses portes à Molière. À vrai dire, elle aurait bien accueilli l’auteur du Misanthrope, mais à condition qu’il abandonnât les planches, se bornant à écrire. C’était demander l’impossible à Molière.