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Page:Daviault - Histoires, légendes, destins, 1945.djvu/61

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vers le nord-ouest, sans espoir de jamais atteindre son but.

Le 10 juin, deux champs de glace entre lesquels se trouvait le bateau se rapprochèrent soudain. La pression était trop forte. De Long sut que la fin était proche. Sans tarder, il ordonna d’évacuer le navire et d’emporter tout ce qu’il fallait pour un long voyage. On assista alors à un autre acte d’héroïsme, comme on en avait tant vu depuis le début de la malheureuse expédition.

Jusque-là, l’équipage avait évité le scorbut grâce aux conserves de tomates que De Long, plus renseigné sur ce point que la plupart de ses contemporains, avaient emportées à cette intention.

Quand on abandonna la Jeannette, la provision de tomates était épuisée, il ne restait plus, pour combattre la terrible maladie, qu’un demi-baril de jus de limon, mais flottant à fond de cale dans la coque déjà éventrée. Un immense matelot russe, nommé Starr, s’enroula un câble autour des reins, en confiant l’autre extrémité à deux copains, puis plongea à la recherche de la précieuse barrique, dans l’obscurité de la cale.

L’équipage possédait trois canots. Mais il fallait d’abord traverser un champ de glace. On construisit des traîneaux pour y mettre les embarcations, pendant que la Jeannette se contractait ou s’enflait suivant les mouvements de la glace. Tout le monde s’attela aux étranges voitures, se dirigeant au sud, vers la Sibérie. Au bout de quelques jours, on s’aperçut que le mouvement de dérive avait porté la glace à 25 milles au nord du point de départ. Ce furent, sur la banquise accidentée, des jours d’hor-