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LE BARON DE SAINT-CASTIN

narguer Andros qui lui enjoignait de demander des titres au roi d’Angleterre. Il obéissait aussi à un autre mobile. Chargé d’enfants, il leur préparait un avenir.

Bien qu’il se considérât uniquement comme l’allié de la France, il ne laissa pas de remplir à merveille la mission assignée par Frontenac en 1674, c’est-à-dire de maintenir les sauvages dans l’amitié de la France. Les Pentagoëts se lancèrent dans la lutte contre l’Anglais sans ses conseils, durant la guerre du roi Philippe. Mais c’est lui qui, en 1689, après l’affaire des vins, leur fit briser la paix. Par la suite, Saint-Castin renouvela souvent leur ardeur fléchissante. Le père Thury y fut pour quelque chose aussi, mais rappelons-nous que ce missionnaire était allé à Pentagoët à la demande pressante du baron 22.

Pendant trente ans, Saint-Castin veilla, dans la marche de Pentagoët, aux intérêts de la France. Pendant trente ans, il tint les Anglais en haleine, les empêcha de s’établir dans ces parages, et leur causa tant de soucis qu’ils ne purent envahir plus tôt l’Acadie et la Nouvelle-France.

En temps de paix, cependant, les Pentagoëts et Saint-Castin avec eux ne comprenaient pas la nécessité d’éviter le commerce avec les Anglais, leur seule source d’approvisionnement, et, donc, de crever de faim, uniquement afin de plaire aux exportateurs français qui avaient le tort de réclamer le monopole d’un marché qu’ils ne se souciaient pas d’approvisionner avec régularité.


— IV —


La fin de Saint-Castin. — En France, après un séjour à Versailles où il dissipa les préventions de Pontchartrain, Jean-Vincent gagnait, en 1702, son Béarn natal qu’il n’avait pas revu depuis 1674.

Il se plongeait ainsi dans un océan de chicanes judiciaires dont il ne devait pas sortir aussi facilement que de ses démêlés avec les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre. Là-bas, dans les forêts du Nouveau-Monde, les querelles se réglaient allègrement et franchement, le mousquet à la main. On tuait l’adversaire ou on en était tué ; c’était net et clair. Dans le Vieux Monde, on n’arrivait jamais à une solution ; les affaires traînaient à l’infini dans une atmosphère étouffante.