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Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/153

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BERNARD-ANSELME DE SAINT-CASTIN

tagoët « ou peut estre leur missionnaire mesme a escrit au gouverneur de la Nouvelle Angleterre. Alle parle assés clairement pour faire connoistre qu’ils ont abandonné le party des françois. » Il n’aurait jamais pu penser « que messieurs les missionnaires qui sont des gens de bien et d’honneur fussent devenus anglois comme il me paroît qu’ils le sont par leur conduitte ».

Dudley, gouverneur de la Nouvelle-Angleterre, avait exécuté l’ordre de reconstruire le fort de Pemquid. Ayant remarqué des mouvements insolites dans les tribus, il voulut s’assurer l’amitié ou, à tout le moins, la neutralité des Indiens. Déjà, en 1702, lors d’une conférence préliminaire entre Anglais et Abénaquis, Callières avait exhorté ces derniers à rompre les pourparlers. Selon leur habitude, les rusés Peaux-Rouges avaient manifesté des sentiments de la plus grande cordialité envers les Anglais, mais raconté ensuite aux Français qu’ils avaient repoussé les offres avec indignation. La lettre du 6 juin 1703 naquit des inquiétudes causées à Versailles par ces négociations. D’un autre côté, la Nouvelle-Angleterre en avait été rassurée au point de concevoir les projets les plus belliqueux. Son assurance s’augmentait de l’absence de son grand ennemi, Saint-Castin.


Le 20 juin 1703, un congrès réunissait, à Casco, Dudley et son état-major d’un côté et, de l’autre, les sachems Moxous de Norridgewock, Wamsegunt et Wanadalgubuent de Pentagoët, sans compter de nombreux chefs subalternes, accompagnés de 250 hommes montés dans 65 canots et bien armés. En style fleuri, les chefs affirmèrent à leur frère Dudley : « Aussi haut qu’est le soleil au-dessus de la terre, aussi éloignée de nous la pensée de porter la moindre atteinte à la paix ». En gage de leur bonne foi, ils remirent au gouverneur un collier de wampum. Rivalisant d’amabilité, les Anglais promettaient l’établissement de postes de traite et d’un atelier d’armurier dans les tribus ; ils annonçaient à des prix fort avantageux toutes les marchandises nécessaires aux Indiens et, enfin, ils donnaient des cadeaux magnifiques.

Après quoi, selon la coutume de ces sortes de réunions, chaque groupe se prépara à tirer une volée de mousqueterie en guise de salut. Se rappelant sans doute la trahison de Waldron en 1676, les Abénaquis invitèrent les Anglais à s’exécuter d’abord. Quand vint leur tour, ils