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BERNARD-ANSELME DE SAINT-CASTIN

du monde afin de prendre l’Acadie. Après quoi, l’ayant prise, elle ne la rendrait pas à la conclusion de la paix. Les pêcheries étaient trop profitables à la Nouvelle-Angleterre : la morue se vendait de 14 à 15 livres le quintal à Boston, d’où on l’exportait en Italie.

« Il s’en fallait bien, écrit Charlevoix (vol. II, p. 322), qu’on fût aussi attentif en France à la conservation de cette province qu’on l’était en Angleterre aux moyens de la conquérir ».

Les vaisseaux arrivés de France peu après le départ des Anglais n’apportaient de marchandises ni pour les habitants ni pour les sauvages. Pourtant, Subercase ne pouvait abandonner les indigènes qui, par leurs incursions en Nouvelle-Angleterre, occupaient l’ennemi et ménageaient un peu de répit aux Français de Port-Royal. Aussi annonçait-il au ministre, dans sa lettre du 20 décembre 1707 9, qu’il « a envoyé le Sieur de St. Castin à Pentagouet pour porter à ceux de ce village un peu de vivres qu’il leur a envoyés gratis avec les présens ordinaires ». Les sauvages, ajoutait-il, ne vendaient pas leur castor, parce que les Français n’allaient pas le chercher. Ils en auraient obtenu, à Boston, près de quatre louis la livre. Malgré leur aversion pour les Anglais, ils finiraient par s’y rendre, car nécessité ne connaît pas de loi.

Le pauvre gouverneur exposait sa détresse et s’écriait que ses troupes étaient sans valeur. « Les compagnies qui sont à l’Acadie, affirmait-il, sont presque toutes remplies de fripons ».

Le 6 juin 1708, le ministre répondait simplement qu’il apprenait avec chagrin la disette de l’Acadie, et qu’il « tâcherait d’y remédier ». Mais il ajoutait, sèchement, que le roi finirait par abandonner l’Acadie si elle lui était toujours à charge.

À la même date, ce cher ministre demandait à Des Gouttins d’interdire aux habitants les achats à Boston. On nageait dans l’incohérence, l’incompréhension, la stupidité.

L’ineptie des bureaux de Versailles atteignait son comble. Aux renseignements précis des gens de l’Acadie, ils opposaient une fin de non recevoir et des opinions fondées uniquement sur leurs désirs. Bégon se plaignait-il du manque de vivres ? Le ministre rétorquait, en août 1709 : « L’Acadie produit assez de blé pour se suffire ». Vaudreuil faisait-il connaître les projets belliqueux des An-