Page:Daviault - Le Baron de Saint-Castin, chef abénaquis, 1939.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
35
SAINT-CASTIN CHEZ LES SAUVAGES

cidé au sacrifice des avantages matériels du mariage, et cet amour, dans les circonstances, devait naître de la beauté.

Quant à la validité de son mariage, si elle ne fait pas de doute pour qui examine les documents de près, elle a été si souvent niée qu’il s’est créé une légende infamante dont le poids pèse encore sur la mémoire de Jean-Vincent. Il menait, a-t-on raconté, une vie de débauche au milieu de nombreuses femmes et concubines ; en somme, on le représente comme un sultan vautré dans les troubles délices de la volupté, sans prendre garde que le lieu, les circonstances et le temps ne se prêtaient guère à tant de mollesse. Ces bruits venaient des doutes élevés sur la légitimité de son fils aîné par son beau-frère, le juge Labaig, qui ne voulait pas rendre compte des affaires de la succession. Ainsi, tout s’éclaire. Mais examinons un peu la question, non dénuée d’importance.

Les Français et, avec eux, les missionnaires rentrant en Acadie et retrouvant Saint-Castin en 1684 voulurent régulariser la situation d’un homme digne de respect et si utile. Par un certificat en date du 30 septembre 1684, l’évêque de Québec ordonnait au père Jacques Bigot, missionnaire chez les Abénaquis, de marier le baron de Saint-Castin. D’autres témoignages nous apprennent que la cérémonie eut lieu. Dans sa lettre du 22 octobre 1685 à Mgr de Saint-Vallier, l’abbé Petit, curé de Port-Royal, écrivait :

« C’est un fort beau naturel, il mérite d’être aidé ; nous luy avons de grandes obligations ici ; comme il est généreux, et qu’il est fort à son aise, il nous fait souvent des aumônes considérables pour notre église, qui sans son secours et sans un legs d’un autre particulier, seroit beaucoup plus pauvre qu’elle n’est ; je n’y entre jamais que je ne me souvienne de luy ; et quand il vient ici me voir, ce qui luy arrive ordinairement deux fois par an, il est ravi d’assister au service que nous y faisons les dimanches avec toute la décence qui nous est possible » 17. Le bon curé ajoutait que Saint-Castin demandait un missionnaire pour Pentagoët, « où il fait sa demeure ordinaire avec des sauvages, qui désirent de se faire instruire. Ce gentilhomme a besoin luy-même de ce secours pour se soutenir dans le bien ».

Cela n’est pas d’un homme à la situation irrégulière. Pour répondre au juge Labaig, M. de Pontchartrain, en 1709, se disait convaincu, à la lecture des documents, de la légitimité du mariage et Mgr de Saint-Vallier certifiait que Bernard-Anselme de Saint-Castin était issu du mariage de son père. Plus tard, en 1715, Pontchartrain écrivait, au sujet des allégués du juge Labaig : « C’est