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LE BARON DE SAINT CASTIN

là à conclure qu’il se maria deux fois, il n’y a qu’un pas. La preuve est faible. Pour tout concilier, mettons que Mme de Saint-Castin, outre son nom abénaquis Pidianske, avait reçu au baptême ceux de Marie-Mathilde. On pouvait se servir de l’un ou l’autre, ou même les mêler. C’est l’hypothèse la plus plausible.

Pidianske ou Mathilde, était la fille du sagamo, ou peut-être bashaba, Madokawando. Tous les chroniqueurs de la Nouvelle-Angleterre s’accordent sur ce point, et ils étaient payés pour connaître ce Madokawando, grand ennemi de leur pays 14. Les chroniqueurs français le mentionnent parfois, sous des orthographes fantaisistes : Mataonando, Mataconanda, Mataouando.

Madokawando, suprême seigneur des Pentagoëts, était le fils adoptif du chef Assiminasqua, renommé pour son éloquence. C’était, ce Madokawando, un sauvage assez remarquable. Grave et sérieux dans ses discours comme dans sa démarche, sa piété de chrétien touchait au mysticisme. Il prétendait avoir des visions et recevoir des directives de l’autre monde, ce qui lui conférait un prestige extraordinaire. Son autorité restait d’autant plus grande qu’il ne la risquait pas dans l’exécution des besognes de routine. Se confinant dans son rôle de « roi », il avait des agents d’exécution ; Mugg, son « premier ministre », puis Edgeremet (ou Moxous), et les sachems inférieurs. Il prenait le commandement des troupes pour les expéditions particulièrement importantes. Rien ne se faisait sans son assentiment, et aucun traité ne se signait qu’en son nom. Cette façon d’agir, exceptionnelle chez les sauvages, était aussi celle de son allié, le chef Squando, de Casco. Saint-Castin non plus ne se compromit jamais inutilement. Peut-être avait-il appris aux autres chefs cette prudente façon d’agir. On suppose qu’il avait connu Madokawando dès son arrivée en Acadie et qu’il l’avait amené avec lui à Québec, pour annoncer la défaite de Chambly. C’est d’autant plus probable que Madokawando ne laissait passer aucune occasion de rapprochement avec les gouverneurs français. Avait-il inspiré à Frontenac l’idée de renvoyer le baron à Pentagoët 15 ? Ce n’est pas impossible.

La légende veut que la baronne de Saint-Castin ait été très belle 16. Croyons-le. Saint-Castin aurait-il épousé une squaw repoussante, lui qui pouvait prétendre à une alliance brillante ? L’amour seul l’avait sans doute dé-