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LE BARON DE SAINT-CASTIN

cherait à ses compatriotes l’enterrement de la hache de guerre. Le sachem prit l’argent et s’en fut à Pentagoët où Saint-Castin modifia bien vite ses dispositions. Loin de servir les Anglais, il se mit à la tête d’un parti de guerriers 28. Bradstreet, dans un effort suprême, chargea le capitaine Greenleaf d’une ambassade solennelle auprès des sauvages. Rien ne pouvait arrêter les Indiens, décidés à laver dans le sang la vieille trahison de Waldron. Quelques-uns des sauvages capturés cette fois-là et vendus comme esclaves dans les Îles étaient rentrés à Pentagoët où ils entretenaient le feu sacré de la vengeance.

Les Pentagoëts conclurent une alliance avec leurs frères de Penacook dont le chef Hagkins « prêta l’oreille aux émissaires de Castine » 29. L’orage éclatait le 28 juin 1689.


— VII —


Le massacre de Dover. — Depuis quelques jours, les Indiens affluaient à Dover, sur la rivière Cocheco, en vue de la traite annuelle. Des rumeurs inquiétantes circulaient, les habitants de la petite ville sentaient planer une menace. Waldron, toujours alerte malgré ses quatre-vingts ans, se moquait des avertissements et se reposait sur les protestations d’amitié que lui prodiguaient les Indiens.

En réalité, les sauvages avaient conçu un plan d’une ruse infernale. La veille du jour choisi, des squaws devaient demander l’hospitalité pour la nuit dans chaque maison barricadée (ou garrison-house) de l’établissement. Au petit matin, elles devaient ouvrir les grilles et appeler les guerriers par un sifflement.

Ces garrison-houses étaient de pierre, ou de billes à peine équarries. Le chêne servait à leur construction, parce que ce bois résistait bien à l’incendie, aux balles et aux tomahawks. Refuges des habitants de la région en cas d’alerte et par conséquent très vastes, ces maisons se composaient d’un rez-de-chaussée surmonté d’un étage en encorbellement d’où l’on pouvait canarder l’assaillant. Des meurtrières s’ouvraient dans les murs et de lourds volets percés de trous garnissaient les fenêtres. Des barres intérieures fermaient les portes faites de gros madriers. Plusieurs de ces fortins se complétaient de tours d’observation à chaque coin ou bien d’avant-corps d’où l’on observait de loin le mouvement des ennemis.