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Page:David - Laurier et son temps, 1905.djvu/133

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LAURIER ET SON TEMPS

un coin du voile qui couvrait son talent, jusqu’au jour où il devint du premier coup l’orateur le plus éloquent de la Chambre provinciale et de la chambre des Communes.

Laurier était physiquement et intellectuellement le plus grand des trois, Mercier le plus vigoureux, Chapleau le plus brillant, le plus séduisant.

Laurier est un républicain de l’ancienne école, sage comme Caton, Cicéron ou Washington ; Mercier et Chapleau étaient des démocrates, des hommes de leur temps, de vrais fils de notre peuple qui admirait en eux son image, ses sentiments, ses passions.

Laurier est l’orateur le plus complet, le plus parfait que notre pays ait produit.

Il l’emporte sur les Papineau, les Lafontaine, les Dorion, les Chapleau et les Mercier, les Macdonald, les Blake et tous les autres, par la hauteur et la noblesse des pensées et des sentiments, l’arrangement méthodique et artistique de ses arguments, l’élégance et la clarté du style, le charme du verbe, la perfection de la forme et la richesse des moyens oratoires, l’abondance et la justesse des rapprochements historiques.

Il est doué d’une heureuse mémoire qui alimente constamment son éloquence et lui permet de parler ou de causer sur tous les sujets, dans toutes les circonstances. Il a la tête bondée de souvenirs, de connaissances inépuisables.

Le surintendant de la bibliothèque de Versailles eut l’occasion de constater l’excellence de la mémoire de Laurier, en 1897. Il faisait voir à Laurier des tableaux représentant les victoires de Napoléon 1er, et il disait :

— Voici la bataille de Marengo… Voici celle d’Austerlitz qui eut lieu à telle date…

— Pardon, dit Laurier, c’est le 2 décembre 1805, que la bataille d’Austerlitz fut livrée.

— Ah ! dit le bibliothécaire, c’est vrai, il paraît qu’on connaît l’histoire de France au Canada.