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LAURIER ET SON TEMPS

cette occasion, l’honorable député de Mégantic, en sa qualité de maire, s’est exprimé en ces termes :

« La fortune de la guerre a voulu que nos destinées politiques fussent unies à celles de l’Angleterre, et quand nous voyons tous les avantages que nous avons retirés du nouvel état de choses, notre regret d’être séparés de la France n’est pas sans compensation. Si nous pouvons établir avec la France des relations commerciales étendues, il ne nous manquera plus rien ; nous conserverons un régime politique dont nous nous trouvons bien, et nous obtiendrons en même temps la satisfaction de nos intérêts et de nos sentiments. »

« Voilà quelle est encore la loyauté des Canadiens-français d’aujourd’hui, qui marchent sur les traces de leurs pères. Eh ! quel mal y a-t-il à cela ? Nous parlons français, ce qui est pour nous un grand désavantage au point de vue strictement utilitaire, puisqu’il nous faut de plus apprendre une langue étrangère pour prendre notre part du mouvement national en ce pays. Il faut bon gré mal gré que tous parlent l’anglais, tant bien que mal. L’unité de langue serait peut-être préférable, au point de vue purement utilitaire ; mais le français est la langue de nos mères, c’est la langue qui évoque dans nos esprits les plus saintes associations d’idées, celles qui pénètrent les premières au cœur de l’homme et qui ne meurent jamais, et tant qu’il y aura des mères françaises, notre langue ne saurait disparaître. Mais ce sentiment n’offre aucune incompatibilité avec notre loyauté envers l’Angleterre, et nous sommes loyaux à l’Angleterre ; et si l’on me demande un trait de cette loyauté, je n’en puis trouver de plus beau que le mot d’une dame canadienne-française à M. De Belvèze, qui en 1855 visita le Canada sur l’ordre de Napoléon III : « Nos cœurs sont à la France, nos bras à l’Angleterre. » Mais la loyauté doit être réciproque. Ce n’est pas tout que le sujet soit loyal envers la Couronne ;