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LAURIER ET SON TEMPS

il s’est contenté généralement de faire l’éloge de la constitution anglaise, des institutions britanniques. Et c’est afin d’exprimer son admiration pour ces institutions qu’il a dit qu’il était « British to the Core » — c’est-à-dire, admirateur jusqu’au fond de l’âme du système de gouvernement qui a procuré les bienfaits de la liberté à tous les pays anglais.

On lui a reproché aussi d’avoir laissé espérer que le Canada prêterait main forte à l’Angleterre en cas de guerre.

Mais pourquoi s’attacher à des paroles prononcées dans des circonstances spéciales, sous l’influence du moment et du milieu, dans des improvisations chaleureuses ?

Les faits l’emportent sur les paroles.

L’histoire dira que lorsque Chamberlain voulut, quelques années plus tard, faire accepter par les représentants des colonies anglaises, ses projets d’impérialisme militaire, c’est Laurier qui a été son adversaire le plus redoutable, la pierre d’achoppement de ces projets.

Jamais Canadien n’avait produit, en Angleterre, une pareille impression, jamais surtout, un Canadien-français n’avait autant fait honneur à sa nationalité. À Liverpool, à Glasgow, à Edimburgh, il parla devant des auditoires que son éloquence charma. Les Anglais habitués à n’entendre depuis longtemps que des discours savants, pratiques, mais froids comme des calculs de mathématiques, admirèrent ce Canadien-français qui réveillait chez eux le souvenir ému de l’éloquence classique, chaude et brillante des Pitt, des Fox, des Sheridan et des Brougham.

Il faut dire que le tarif de faveur offert par ce Canadien-français aux marchands anglais, sans condition aucune, avait prévenu les esprits en sa faveur. Et dès qu’il mit le pied sur le sol anglais, ses premières paroles, publiées par tous les journaux, firent le tour de l’Angleterre. Dans le premier discours qu’il prononça à Liverpool, il dit :

« Quels sont au juste les sentiments qui nous animent