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les patriotes

« Voilà où l’on en était le 23 novembre 1837.

« Notre héros se battit comme un lion à Saint-Denis. Il était bon tireur ; et, tout en dirigeant les manœuvres de sa compagnie, il faisait lui-même un feu d’enfer.

« — Je ne sais pas combien j’en ai tué, dit quelquefois M. Pacaud ; mais si je ne tirais pas sans quelque inquiétude, je tirais certainement sans remords. Ce n’était pas tant le sentiment des affronts et des injustices subies, que le vieil instinct des haines traditionnelles de races qui se réveillait en nous ; nous combattions bien le despote, mais c’était surtout l’Anglais que nous aimions à coucher en joue ! Aveugle sentiment bien disparu depuis.

« Tout le monde connaît les péripéties et le résultat de cette rencontre sanglante. Le soir arrivé, les Anglais étaient en déroute, et notre ami reprenait à cheval le chemin de Saint-Hyacinthe, après avoir serré la main une dernière fois, à son compagnon d’armes, l’infortuné Ovide Perrault, mortellement frappé. Il lui fallait faire dix-huit milles, par des routes affreuses, par une nuit noire et un temps glacial. Après un pareil combat, et sans avoir rien mangé depuis quatre heures du matin, la tâche était assez rude, mais les émotions de la journée l’empêchaient de ressentir ni la fatigue ni la faim.

« Il arriva à Saint-Hyacinthe au milieu de la nuit. Bon nombre de patriotes étaient rassemblés chez le Dr Bouthiller. Quand on le vit descendre de cheval, crotté, gelé, affamé, harassé, ce fut une acclamation générale : le bruit s’était répandu qu’il avait été tué.

« Pendant la nuit du 24 au 25, un des hommes de sa compagnie vint avertir le capitaine Pacaud que la sentinelle qu’il avait mise en faction près du couvent venait d’arrêter deux hommes, dont elle n’avait pu distinguer la figure, et qui refusaient de répondre aux questions qu’on leur posait. Il se rendit en hâte sur les lieux, et