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les patriotes

sa surprise fut grande lorsqu’il reconnut, à la lueur d’une lanterne, Papineau et le Dr O’Callaghan.

« — Où allez-vous ? leur demanda-t-il tout bas.

« — Chez Poulin, répondit Papineau.

« Ce monsieur Poulin était un ancien membre du Parlement dont la résidence se trouvait à quelque distance du village.

« — Une escorte pour ces deux voyageurs ! commanda M. Pacaud.

« Et, après un serrement de main furtif donné à son jeune ami, le grand patriote, entouré d’une escouade de gens dévoués, s’enfonça dans les ténèbres de la route.

« Quelques jours plus tard, Poulin conduisit Papineau chez le capitaine Ducharme, à Saint-Césaire, et ce dernier l’accompagna jusqu’aux États-Unis, en passant sous les baïonnettes anglaises stationnées à Saint-Athanase.

« Notons ici que le gouvernement avait alors promis une récompense de quatre mille dollars à qui livrerait Papineau mort ou vif ; et, non seulement cet homme ne rencontra pas un traître, mais ces deux braves citoyens réclamèrent avec instance l’honneur de risquer leur vie pour sauver le courageux et éloquent défenseur de leurs droits. La race de ces hommes se fait rare aujourd’hui ; mais en 1837, des actes de désintéressement et de dévouement comme ceux-là étaient si nombreux et paraissaient si naturels, qu’ils passaient pour ainsi dire inaperçus.

« Enfin le désastre de Saint-Charles arriva ; désastre complet, irrémédiable. Battus, désorganisés, dispersés, découragés, les Patriotes durent songer à mettre leur vie en sûreté par la fuite. Alors commença pour notre ami une véritable odyssée, odyssée de fugitif poursuivi, dépisté, traqué, relancé sans cesse ; alternatives sans