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les patriotes

le cœur et qu’on promena ce cœur au bout d’une baïonnette, au milieu des imprécations d’une soldatesque effrénée. M. Paquin nie ce fait ; il prétend que les médecins ouvrirent la poitrine de Chénier simplement pour constater les blessures qu’il avait reçues, et M. de Bellefeuille, qui a écrit l’histoire de Saint-Eustache, corrobore son assertion.

Mieux vaut, pour l’honneur de l’humanité, accepter la version de M. Paquin.

Mais nous ne voyons pas comment on peut refuser de croire les personnes qui affirment sous serment avoir vu ce qu’elles racontent. Il est un fait certain et admis par tout le monde : c’est que le corps de Chénier a été ouvert, dans le but, dit-on, de constater exactement la cause de la mort

Cette explication est assez ridicule. Depuis quand ouvre-t-on les corps des soldats tués sur un champ de bataille pour savoir de quoi ils sont morts ?

De tous les chefs patriotes, Chénier est celui dont la mémoire vivra le plus longtemps. Quel que soit le jugement que l’on porte sur l’opportunité de l’insurrection de 1837, et sur la témérité de ceux qui se crurent assez forts pour résister par la force au gouvernement anglais, on ne pourra reprocher à celui-là d’avoir abandonné, au moment du danger, ceux qu’il avait soulevés, d’avoir déserté le drapeau qu’il portait si fièrement à l’assemblée de Saint-Charles. Sa mort atteste la sincérité de son patriotisme, et justifie la confiance que le peuple avait en lui. Les Canadiens-français ne cesseront jamais de se répéter, de père en fils, le récit de sa mort héroïque et longtemps on dira : « Brave comme Chénier. »