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les patriotes

M. Lepailleur a passé avec Cardinal et Duquette les derniers jours de leur vie, il a été le confident de leurs dernières pensées, le témoin des luttes de leur âme contre les affections qui les attachaient à la terre.

Il ne peut raconter, sans être profondément ému, ce qu’il a vu et entendu.

Il nous montre Cardinal ferme, impassible, résigné lorsqu’il ne pense qu’à lui-même, au sacrifice de sa vie, mais attendri, bouleversé par moments, lorsqu’il songe à sa femme, à ses chers enfants. C’est dans ces tristes moments que Cardinal a écrit d’une main nerveuse ces lettres touchantes qu’on ne peut lire sans verser des larmes, où on voit comme, dans un miroir, le fond tendre et généreux de cette nature d’élite.

Le 20 décembre, veille de son exécution, il écrit à sa femme :

« Demain, à l’heure où je t’écris, mon âme sera devant son Créateur et son Juge. Je ne crains pas ce moment redoutable. Je suis muni de toutes les consolations de la religion, et Dieu, en se donnant à moi-même, ce matin, me laisse espérer avec confiance qu’il me recevra dans son sein aussitôt après mon dernier soupir. Je suis dégagé de toute affection terrestre, et le seul regret que j’aie en mourant, c’est de te laisser, chère amie, ainsi que cinq pauvres malheureux orphelins, dont l’un est encore à naître. Je te prie de croire que sans vous, rien ne pourrait me faire désirer la vie et que je recevrais ma grâce avec plus de répugnance que de satisfaction… »

Il regrette, par dessus tout, de ne pouvoir embrasser avant de mourir, son épouse à laquelle les médecins défendent de sortir. « Qu’il est dur, lui écrit-il, de mourir sans te donner le baiser d’adieu ! On me dit que tu es trop faible pour supporter une entrevue ; moi, je te croirais assez forte ou du moins assez rai-