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sonnable pour me venir voir sans faire des extravagances. Ceux qui te défendent de venir me voir n’ont jamais été dans notre situation. Ils ne pensent pas qu’ils me privent de la seule et dernière consolation que je pourrais espérer en ce monde, et, que par rapport à toi, ils s’exposent à de justes reproches pour t’avoir privée de recevoir les prières d’un époux mourant. Pardonne, ma chère amie ; nous sommes nés pour souffrir, c’est un sacrifice de plus à offrir à Dieu et qui nous servira à nous obtenir plus de mérites auprès de lui. Du moins s’ils m’amenaient Marguerite et Charlote afin qu’elles pussent toutes deux recevoir les baisers de leur père pour te les rendre. Oh ! Dieu, ayez pitié de moi, de ma femme et de mes enfants, je vous les recommande ; veillez sur eux, servez-leur d’époux et de père et ne tardez pas de les réunir tous avec moi dans votre saint paradis. »

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« Rien de plus consolant, continue-t-il, ma chère Eugénie, que d’envisager la mort avec les yeux d’un mourant. On se sent dégagé des peines et des angoisses de ce monde de misère pour s’envoler dans un lieu de paix et de délices, et l’on plaint ceux que l’on a aimés sur la terre de ce qu’ils ne peuvent jouir assez tôt d’un bonheur qui nous paraît si parfait. Chère Eugénie, ne t’apitoie pas sur mon sort ; bénis la Providence de ce qu’elle ne m’a pas fait mourir subitement lorsque j’avais la conscience moins préparée. Eh bien ! Dieu a exaucé mes vœux ; je suis courageux autant qu’il est possible de l’être, et si je pouvais te communiquer la moitié de mes forces, il m’en resterait encore assez pour le moment fatal. »

De grands efforts avaient été faits par des personnes influentes pour obtenir la grâce de Cardinal ou plutôt la commutation de la terrible sentence. Colborne avait