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les patriotes

Le pauvre enfant avait le visage meurtri et ensanglanté, mais il vivait encore.

Le bourreau, troublé, ne savait trop que faire. Quelques voix crièrent, dit-on : « Grâce ! grâce ! »

Inutile pitié ! Il fallait que l’œuvre odieuse fût achevée.

Le bourreau saisit la corde, ramena le supplicié sur l’échafaud et recommença l’exécution. Cette fois il réussit.

Qu’on imagine ce que dut souffrir l’infortunée victime !

Il est une femme qui n’a jamais pardonné à Colborne et aux bureaucrates la mort de Duquet, qui a pleuré tous les jours de sa vie, pendant trente ans, celui qu’elle aimait tant.

Cette femme, on le devine, c’est sa mère.

Elle ne pouvait voir ou entendre sans verser d’abondantes larmes, tout ce qui lui rappelait son fils.

Un jour, elle rencontra celui qui avait été la principale cause de sa mort ; il lui demanda pardon et voulut lui serrer la main.

« Oh ! lui dit-elle avec horreur, n’approchez pas de moi ; je vous pardonne, parce que je suis catholique, et que mon fils me l’a ordonné ; mais je ne puis oublier que vos mains sont encore teintes du sang de mon fils. »

Mme  Duquet est morte, il y a quelques années. Elle vécut avec ses filles chez Mme  Charland, mère de MM. Arthur et Alfred Charland, qu’elle a, en grande partie, élevés. Une autre de ses filles épousa M. Nolin, shérif du district d’Iberville, et père du R. P. Nolin, oblat, du collège d’Ottawa. La troisième, Sophie, est restée fille.

Si le souvenir de Duquet excite tant de sympathie dans le cœur de tous les Canadiens-français, on peut se faire une idée des sentiments vivaces et profonds