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plus acharnée. Quand il ne chassaient pas, ils passaient le temps à lire, à fumer et à parler du pays.

Ayant obtenu la permission de louer une maison aux portes de la ville, ils s’y installèrent et purent y vivre plus en famille qu’à l’hôtel. Il y avait quatre mois qu’ils vivaient ainsi, se demandant tous les jours quand ils pourraient revoir le sol natal, lorsqu’un jour le gouverneur leur fit transmettre un message, leur annonçant qu’ils étaient libres.

« Lorsque cette nouvelle nous arriva, dit l’un des exilés, nous n’étions pas tous au cottage ; les uns étaient à la chasse, les autres à la campagne, et aussitôt qu’un de nous arrivait, il était attendu sur le seuil de la porte, et on lui criait le plus haut possible : « Tu ne sais pas la grande nouvelle ? » Et lui de répondre : « Ma foi, non. » Ne pouvant retenir le secret plus longtemps, nous criions ensemble : « Nous sommes libres. » Quelle douce parole pour un exilé ! »

Voici ce qui s’était passé.

La proclamation de lord Durham avait été portée devant le parlement anglais et y avait soulevé des débats orageux. Lord Brougham, lord Ellenborough et les hommes les plus éminents du parlement anglais demandèrent, dans les termes les plus énergiques, l’annulation d’une proclamation qui violait les lois les plus élémentaires de la justice, en condamnant à la transportation, sans procès, des sujets anglais, et allait même jusqu’à décréter la peine de mort contre une quinzaine d’autres, s’ils revenaient dans le pays. Lord Brougham demanda quand on avait vu condamner sans procès des criminels à l’exil ou à la mort, qu’ils se fussent ou non reconnus coupables ?

La proclamation avait été annulée, et lord Durham, blessé profondément dans son amour-propre, avait demandé et obtenu son rappel en Angleterre.

Nos huit exilés se hâtèrent, comme on le pense bien,