Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

des autres, des promenades de cette sorte… Hue, Rosette !…

Lorsque le premier fiacre s’arrêta dans la rue Notre-Dame-des-Champs, le second stoppa deux numéros plus bas, assez près pour que le second cocher entendit :

— Vous m’attendrez ?

— Oui, madame.

Malcie disparut dans le couloir.

Dès que la concierge l’aperçut, elle sortit de sa loge.

— Ah ! madame, il va mieux, M. Roger. C’est votre visite qui lui a fait du bien. Je crois que je ne l’avais jamais vu aussi souriant. Il souffre toujours le pauvre jeune homme, mais il me semble qu’il est content, qu’il a un poids de moins sur le cœur. Hier, il ne me croyait pas si près, bien sûr, il était tourné contre le mur. Il a dit comme s’il s’adressait à quelqu’un : « Maintenant, je supporterai beaucoup. Je puis tout supporter ».

— Tant mieux, répondit Mme d’Anicet. Puis-je monter ?

— Certainement. Très heureux qu’il sera.

— S’est-il restauré de façon à recouvrer des forces.

Peu à la fois, mais souvent. L’appétit viendra petit à petit.

Malcie prit l’escalier, monta lentement, s’annonça.

— Entrez.

C’était un rayon de soleil, que l’arrivée de la jeune femme dans le modeste atelier. C’était le sourire, l’apaisement des tempêtes, la joie.

Il lui tendit la main.

— Eh bien, mon ami, comment allez-vous ? Vous voyez que je n’ai pas oublié ma promesse. Je l’exécute même plus vite que je ne pensais. Comment cela va-t-il ?

— Mieux, madame, je vous remercie beaucoup.

— Avez-vous reposé ?

— Un peu ! Davantage que je ne pensais, moi aussi.

— Le docteur est-il revenu ? Qu’a-t-il dit ?

— Que la fièvre tombait, que le calme et le repos triompheraient de tout.

— Il faudra l’envoyer chercher aujourd’hui.

— Inutile, puisque je me sens mieux.

— Un mieux ne suffit pas. Il faut que vous guérissiez.

Il sourit divinement.

— La guérison ne peut pas venir tout d’un coup. Il faut lui donner le temps. J’ai le pressentiment que je guérirai. Moi aussi, maintenant, je voudrais guérir, après avoir souhaité tant de fois la mort.

— La mort ? à votre âge… voulez-vous vous taire !

— À mon âge. Personne n’a souffert ce que j’ai enduré, moi. Personne n’a connu mes luttes.

— Allons, je ne veux pas que vous pensiez a de tristes choses. Entendez-vous. L’imagination fait son œuvre sur la santé sans qu’on s’en doute.

D’une voix de tête, Roger murmura :

— L’imagination, oui, un peu. C’est le cœur surtout ! Êtes-vous très pressée ?

— Pas précisément.

— Voulez-vous vous asseoir ?

Elle approcha du lit en fer la chaise en bois blanc comme la table de travail.

Le blessé murmura :

— Je me demande si je ne rêve pas, si c’est bien vrai que quelqu’un s’occupe de moi. Même devant la réalité, je m’interroge. J’y suis si peu habitué.

— Cependant, il n’est guère facile de douter.

Il la voyait devant lui, il entendait le murmure de sa voix, il répétait les réconfortantes paroles et encore, il se demandait si cela était.

Tous deux se regardaient en souriant, comme s’ils s’étaient toujours connus.

— Écoutez, dit-il, en se retournant un peu brusquement, il ne faut pas perdre notre temps. Il est trop précieux.

…Pour ce qui est de moi, j’éprouve un