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…Aussi, c’est son talent que je cherche à caser.

— Décidément, Malcie, devenez-vous folle ? Vous voilà placeuse de bibelots. Est-ce que vous avez parlé de cela à Jean ?

— Pas encore. Mon mari ne mettrait aucune entrave à mes démarches j’en suis sûre.

…Il me faut, peut-être, comme vous, quelques réflexions. Au fond, il serait très content.

…Il est bon, généreux, Jean. Vous aussi, mère. C’est pour cela que vous achèterez un tableau de mon jeune artiste.

— Alors votre protégé d’aujourd’hui est un peintre.

— C’est un peintre.

— Vous savez bien qu’il n’y a pas de places pour des cadres, chez nous, avec les tentures.

— Je sais. J’ai pensé qu’à certaines époques de l’année, on s’adressait à vous pour des bazars de charité. Cela vous ferait un lot tout trouvé.

— En attendant, le remiserai-je au grenier ?

— Avec un peu de bonne volonté, nous trouverons peut-être une autre place. Vous acquiescez, n’est-ce pas ?

— J’acquiesce ! J’acquiesce ! Cela dépend de la mise. S’agit-il d’un vieillard ?

— Un vieillard ? mais, ma mère, c’est un jeune homme plein de talent, qui a peut-être un grand avenir devant lui. J’en parlerai à Renaud. Il n’est pas cause, le malheureux, si un déraillement a failli le tuer sur le coup.

— Tenez, ces gens-là m’intéressent peu. Vous m’inscrirez pour dix francs. Pas davantage.

— Vous permettrez bien que j’augmente de cinq. Ce sera à quinze. C’est conclu à quinze francs. Je vous remercie.

— Ne me remerciez pas. J’agis un peu contre ma volonté. Je sais que vous êtes tenace et que vous y reviendriez. Autant en finir tout de suite. Quel est l’âge de cet artiste en herbe ?

— Vingt-six ans.

Mme d’Hallon eut un mouvement.

Elle regarda sa fille.

— Vous dites vingt-six ans ?

— Oui, mère, avec cela très intéressant. Un jeune homme sans famille.

Avec un peu de gêne, la mère demanda :

— Qui vous l’a déniché, celui-là ?

Une hésitation.

— Le hasard. Un simple hasard comme toujours.

— Vous n’allez pas vous exalter. Ils sont nombreux ceux qui sont seuls à Paris. S’il fallait leur tendre la main à tous. La solitude convient aux artistes. Elle leur est nécessaires pour concevoir leurs œuvres.

— C’est une bonne chose au moment du travail. Lorsque la solitude est constante, ce doit être lourd quelquefois.

Madame d’Hallon se tut.

Le tic-tac très doux de la pendule coupa le silence observé.

Poursuivit par une idée, la mère de Malcie demanda :

— Est-il alité, ce jeune peintre ?

— Oui, mère.

— Qui vous a introduite chez lui.

Malcie la regarda.

Elle lui trouva de l’insistance dans le regard.

Il se pouvait que cette fixité fût le résultat de la crainte déjà exprimée.

La jeune femme n’y ajouta, pour l’instant, aucune attention.

Elle répondit simplement :

— La concierge de l’immeuble. J’ai toujours recours à leur obligeance lorsque je sais qu’il s’agit d’une personne qui vit seule.

— Vous faites bien. C’est prudent. Il arrive de drôles d’histoires à Paris. Les journaux en sont pleins sans compter celles que le public ignore.

— Quelques personnes vont au-devant.

— Pas toujours.

Madame d’Hallon se leva.

— À votre âge, il va de soi qu’on ait