Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/35

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un brin de sentimentalité. Cela vous passera. Cela m’a passé il y a longtemps.

Le timbre vibra.

Le beau-père et le gendre qui s’étaient rencontrés dans l’escalier entrèrent ensemble.

D’elle-même, la conversation des deux femmes tomba.

Le lendemain de la visite de Malcie, Roger se leva et Mme Barbillon lui trouva aux joues des « roses » de santé.

— Il me semble, dit le jeune homme, que je pourrais presque sortir.

— Monsieur Roger, attendez encore un jour.

…Vous serez un peu plus d’aplomb. Rien ne presse, n’est-ce pas ?

Il sourit.

— Pas précisément. Cependant, je serais très heureux de faire une visite qui me tient au cœur… pour montrer que je ressuscite… Et puis, vous ne savez pas, madame Barbillon, il me tarde de me remettre au travail. Des tubes me manquent. Je me les procurerais.

…Il faut que je fasse du beau. Il faut que j’arrive. C’est décidé. J’ai des plans que je réaliserai. Si la fortune me sourit, vous verrez que je saurai montrer ma reconnaissance.

Émue, Mme Barbillon protesta.

— Monsieur Roger, je suis largement payée. Si je m’occupe de vous, c’est parce que vous me plaisez, voilà tout. Vous pensez bien que je n’agirais pas de cette façon avec tous les locataires.

— Bonne madame Barbillon !

— Si vous saviez comme je suis heureuse de monter, de m’occuper de vos petites affaires, de venir constater…

— …Que je vais mieux ?

— Oui, et beaucoup d’autres choses. Tenez, cette dame qui vient vous voir aurait dû commencer plus tôt ses visites.

…N’est-ce pas, qu’elle vous font du bien ?

— Vous ne vous trompez peut-être pas.

— Quand le cœur va, monsieur Roger, tout va. Surtout lorsqu’on est jeune.

Il souriait.

Sa joie illuminait ses yeux.

— Vous pensez que ce ne serait pas prudent de sortir cet après-midi ?

— Non. Restez tranquille chez vous. Demain est là. Vous avez de quoi vous amuser avec vos pinceaux et vos couleurs. Voulez-vous des journaux ? J’irai en chercher au kiosque.

— Vous êtes vraiment trop bonne. Ne vous dérangez pas. J’attends mon ami. Il en a toujours plein les poches. À dire vrai, nouvelles et politique m’intéressent peu. J’ai un autre but. J’en ai même deux. Je ne dois penser qu’à eux. Je les atteindrai, madame Barbillon, vous verrez !

— Y aurait-il indiscrétion à demander de les connaître ?

— Vous avez droits à tous mes secrets répondit le jeune homme, car vous êtes aussi dévouée que l’a été pour moi Adrienne, à qui je dois tout. Voulez-vous cependant, me permettre de ne pas vous les faire connaître aujourd’hui ? un peu de patience. Vous les saurez. Ce ne sera que justice.

— Il ne faut donc rien demander ?

— Pas pour le moment.

— Dites-moi, monsieur Roger, cette dame, est une grande dame, n’est-ce pas ?

— Oui.

— C’est-il une parente ?

— C’est un ange de bonté, Mme Barbillon.

— C’est-il une amie ?

— Ce sont ses paroles réconfortantes qui me font reprendre pied dans la vie.

Il ne voulait pas parler.

Elle n’insista plus.

Tout en donnant un coup de plumeau autour d’elle, la concierge continua :

— Après tout, cela ne me regarde pas. Du moment que ses visites vous font du bien, elle n’a qu’à venir. Je la recevrai toujours de mon mieux. Elle vous plaît ! À