Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/52

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soit fou pour se refuser à une explication quelconque.

La concierge disparut.

Les deux hommes restèrent dans le désordre des chaises et des toiles bouleversées.

Non remis, Roger murmura :

— C’est inouï !… Si encore il y avait motifs.

Avec un sang-froid britannique, William Vanderbrook dit :

— Demain, les journaux en parleront.

— Je voudrais voir !…

— Dommage !… Vous avez tort !… En Amérique, vrai coup de fortune pour un peintre !…
« Qui vous a introduite chez lui ? »

— Oh ! jamais !… renouvela Roger, je préférerais mourir de faim.

En regardant tout autour de lui, l’Américain expliqua :

— En venant chez vous, j’avais peur de trouver, un peintre impressionniste… Shockissoq, les œuvres impressionniste ! J’abomine, et vous ?…

— Il faut avoir des dispositions spéciales pour se livrer à de pareilles études. Il y a des amateurs.

— Oh ! pas moi !… Jamais moi pour cela !… En France, vous êtes riches en peintures… Pas à New-York ! Ne possédons pas d’Écoles nationales… Aussi très grands, gloire d’avoir dans son home spacieuse galerie de tableaux…

…Je veux celui-ci… Entendu… et puis un autre, mêmes dimensions. Avez-vous ?

— Excusez-moi, monsieur. Vous vous présentez dans une circonstance si tragique que j’ai peine à réunir mes idées.

— Je reviendrai.

— Non.

— Suis au Terminus-Hôtel.

Les paupières du jeune homme se rejoignirent pour éviter une vision torturante.

— Vous désireriez, dites-vous, un pendant à ce « Pont de Joinville » ? Vous voulez me l’enlever.

— Je paierai autant de dollars que vous voudrez et même, si vous venez un jour à New-York, vous verrez que je lui ferai honneur.

Les yeux de Roger tombèrent sur l’or laissé par Malcie.

Y toucher ?

Jamais.

Une occasion se présentait…

Raide, William Vanderbrook, un monocle sous l’arcade sourcilière, sa lorgnette pendue en bandoulière, se promena encore devant les toiles du jeune peintre et déclara :

— Celui-ci me plaît également. Je le désire. Je vous donnerai deux cents dollars… cent pour chacun… Trouvez-vous assez ?

— Deux cents dollars, répéta Roger, croyant mal comprendre.

— Ce qui doit faire en monnaie française, mille francs, plus vingt.

— C’est trop.

— Cela vaut cela à cause de la balle… Contrat signé ? Je donnerai un chèque. Vous irez…

Il réfléchit.

No… Times is money.

Il sortit de son portefeuille deux billets de cinq cents francs et chercha de l’or.

— C’est assez protesta Roger presque honteux.