Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/68

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Atterré, le souffle court, Fulbert annonce :

— Monsieur le docteur Romeuf.

Son confrère vient à lui, tend la main, chuchote quelques mots et les deux praticiens reviennent près de la moribonde.

Ils échangent leurs impressions.

Elles sont les mêmes.

Rien à tenter.

Le pouls diminue insensiblement.

La faiblesse augmente de minute en minute.

— Angèle !… murmure, suppliant, Maxime d’Hallon, me reconnaissez-vous ?… Regardez ces messieurs, ils vont vous soulager… Où souffrez-vous ? Parlez-leur.

Aux praticiens :

— Tentez quelque chose, docteurs, essayez tout.

Ils ne répondent pas.

Enfin, pour disputer à la Grande Faucheuse, celle dont les minutes sont comptées, pour donner aussi à ceux qui se désolent une dernière lueur d’espoir, ils rédigent une ordonnance.

Mais ils sont persuadés que tout effort est inutile.

Ils s’éloignent.

Jean les accompagne dans l’antichambre.

À son regard interrogateur, l’éminent docteur Romeuf déclare :

— Vous pouvez, capitaine, vous attendre à tout. L’injection de caféine éloignera de quelques minutes le dénouement fatal. Le mieux ne sera que factice.

…Ne vous y fiez pas.

— Vous avouerez, docteur, que c’est épouvantable de sortir de chez soi bien portante et d’y être rapportée mourante, parce qu’il a plu à un monsieur de faire rouler à toute vitesse son automobile.

— Oui, c’est épouvantable ! Les règlements ne sont pas mis en vigueur.

— Y en a-t-il des règlements ?

— Il y en a. On ne les applique pas.

— Vous croyez, vraiment, docteur, que Mme d’Hallon est condamnée ?

— C’est mon avis. C’est aussi celui de mon confrère.

Il ajouta d’une voix basse :

— Trop de lésions internes, mon cher capitaine. Courage. Préparez doucement Mme d’Anicet.

Des ménagements ?

C’est fini entre eux.

Jean laissera aux évènements le soin d’agir.

Malcie comprendra sans lui.

Et puis, les médecins peuvent se tromper. Sont-ils infaillibles.

Malcie a entendu.

Depuis des mois, ses illusions sont tombées.

Elle s’attend à des luttes, des douleurs.

Elle ne croit pas aux joie durables.

Lorsque, de sa fenêtre, elle a vu sa mère transportée sur une civière, sous le porche, elle l’a crue morte…

C’est elle qui, en courant vers la blessée, a appelée à son aide, ceux dont les noms sont arrivés à ses lèvres : son mari, les domestiques…

— Jean !… Fulbert !…

C’est elle qui, quelques minutes plus tard a embrassé celle qui est cause de son long martyre.

C’est elle, qui avec de douces paroles, a obtenu le soulèvement des paupières.

Ce qu’elle vient d’entendre confirme ses pensées.

Sa mère est perdue.

Rien ne peut la retenir à la vie.

Sa résolution est prise.

Il lui faudra du courage. Beaucoup. Elle en aura pour gravir la nouvelle station du Calvaire.

Lorsque Jean revint dans la chambre, Malcie, pâle, mais résolue, se lève. Elle va vers le vieillard, son père.

— Père, veux-tu me laisser un instant avec ma mère.

Maxime lève ses yeux rougis vers la douce créature.

— Pourquoi, mon enfant ?