Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/71

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cie comme pour lui renouveler la recommandation suprême.

Un dernier souffle.

C’était fini !…


X

explications


Des mois ont passé.

À l’hôtel d’Hallon, la vie a repris son cours avec ses uniformités.

Il en est de même dans le petit intérieur de la rue de Ponthieu.

Berthe s’est prononcée lorsque la semaine de réflexion a été écoulée, et rien n’a pu la faire sortir de sa détermination.

Peinée de contrister sa mère, mais forte de son amour pur, elle a dit très simplement :

— J’aime Roger. Je ne puis, ayant le cœur plein de lui, me marier à un autre. Je consens à ne pas le revoir de six mois. Si je puis l’oublier et si M. Blégny veut attendre jusque-là, je consentirai volontiers à devenir sa femme.

Peu à peu, le calme est revenu, et, ici, comme là-bas, les jours s’écoulent sans variantes.

Cependant, dans la monotonie des heures, Malcie est hantée d’une idée.

La recommandation maternelle lui revient sans cesse.

Sa mère mourante lui apparaît et elle entend :

« Faites ce que je n’ai pas fait ».

C’est, pour elle, devoir sacré !

Un jour, elle a l’idée de courir dans l’atelier.

Quel bien cela lui fera !

Elle parlera de celle qui n’est plus… Elle répètera la suprême recommandation, et, peut-être que celui qui a beaucoup souffert aussi pardonnera.

Elle s’habille.

Lorsqu’elle est dans ses crêpes, une crainte, celle qui l’a déjà retenue une fois, l’assailli.

Est-ce le moment de commettre une imprudence ?

Jean n’est pas désarmé, puisque dans les jours de deuil, il n’a pas eu un mot, pas une tendresse.

« Aux yeux du monde, vous serez Mme d’Anicet, mais, entre nous, c’est fini ».

S’il la suivait !…

Elle enlève sa vêture de tristesse et cherche un autre moyen d’action.

Il faut que le désir de la mourante soit respecté.

« Faites ce que je n’ai pas fait », c’est à dire réparez, soyez la mère que je n’ai pas été, donnez-lui les tendresses dont je l’ai privé : pour son bonheur faites ce que vous pourrez ».

Soudain, une idée traversa le cerveau fatigué de Malcie.

Son œil brille.

Son teint se colore.

Pour la mettre à exécution, elle n’attendra pas.

Les atermoiements la tuent.

Elle sonne.

Fulbert arrive.

— Est-ce que monsieur le capitaine est dans son cabinet ?

— Je ne sais pas. Madame veut-elle que je me renseigne.

— Oui, Fulbert, et si monsieur est chez lui, demandez lui s’il peut me recevoir.

— Oui, madame.

— Le plus tôt sera le meilleur.

Sans bruit, la porte se referme.

Deux minutes d’horrible attente s’écoulent et le domestique revient.

— Monsieur Jean attend madame.

Puis, joignant les mains comme devant une sainte, suppliant, le vieux serviteur murmure :

— Faites, madame, tout ce qui dépendra de vous pour que l’hôtel redevienne ce qu’il était.

— Mon bon Fulbert !

Elle était debout, dans la direction de l’appartement de Jean.