Page:Dax - Sans asile, paru dans la Revue populaire, Montréal, mai 1919.djvu/76

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les deux regards se rencontrèrent.

— Rien.

— Comme Mme d’Anicet, je ne vous dirai pas, moi non plus, le nom que je devrais porter ; mais ce que j’ai mis sous les yeux de la douce et vaillante créature, je dois aujourd’hui à la démarche que vous avez tentée, de vous le révéler également.

…C’est un parchemin qui ne me quitte pas.

Roger ouvrit son veston, et, dans la pochette d’un portefeuille tout neuf, il prit la lettre jaunie, froissée, vieille déjà de son père, Jacques d’Anvertout.
« Oh ! mon Roger, comme je t’aime.

Pendant que Jean lut, une lutte douloureuse se livra en lui.

Il voulait se rappeler toutes les phrases, toutes les expressions de celui qui avait écrit cela, de celui qu’il sentait loyal. Lorsqu’il était à la fin d’un alinéa, il le recommençait.

Pas une seule fois il ne leva les yeux sur Roger, qui, lui, le fixait.

Le peintre vit la surprise et l’étonnement se manifester.

À une pâleur subite succéda un flot pourpre. Dominé par une idée unique, Jean dit en repliant la lettre :

— Me pardonnera-t-elle ?

— Je la connais peu, répondit le peintre. Il me semble que son grand cœur l’a déjà fait.

Le capitaine se leva.

— Je comprends maintenant à quels devoirs Mme d’Anicet faisait allusion. Elle a éloigné son père pour s’entretenir avec sa mère quelques minutes avant la mort de celle-ci.

…Elle lui a parlé seule. C’est un désir que j’ai respecté. Malcie connaissait cette lettre, n’est-ce pas ?

— Oui.

— C’est vous qui la lui aviez révélée !

— C’est moi.

Jean ne s’attarda pas.

Ce n’était pas la pensée de Roger qui le hantait. C’était celle de la femme qui, chez lui, devait l’attendre.

Bravement, simplement, il tenait la main du peintre.

— Nous nous reverrons. Je regrette de n’avoir pas su plus tôt ce que je viens d’apprendre… En effet… pour Malcie… l’aveu était difficile. Peut-être ne sera-t-il pas trop tard pour réparer !

Il prend l’escalier et disparaît.

Lorsqu’il arrive à l’hôtel, Malcie se trouve derrière la fenêtre de sa chambre.

Elle veut l’apercevoir dès qu’il passera, sous le porche.

À son air, elle comprendra.

Jean lève les yeux.

Son trouble est si grand que son visage est bouleversé.

Malcie, qui depuis une heure espère, se met à craindre. Elle croit défaillir.

Son cœur bat à l’étouffer.

Que s’est-il passé là-bas ?

Que va-t-il lui dire ? Va-t-il venir directement ou bien mettra-t-il encore entre eux, la présence ennuyeuse d’un domestique ?

Elle ne veut pas qu’il connaisse la super-