Page:Daxhelet - Nouvelles de Wallonie, 1894.djvu/86

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vont au Bon-Marché ; chaque soir, ils reviennent vers le petit sanctuaire de leur intimité, se souriant comme au premier instant de leur amour.

Jacques est-il heureux ?

Hélas ! il souffre en silence. Son âme réceptive de rêveur affolé de sensations, il a dû la river cruellement à la tâche prosaïque et banale.

La nuit, il lui arrive de voir danser des chiffres devant ses yeux alourdis de fatigue. Le jour, le son des pièces d’or et d’argent, qu’il compte et recompte, lui fait mal et l’énerve. Oh ! la vie froide et laide !...

Et sa plaie morale s’avive encore à mesure qu’il voit sa santé devenir chancelante. Dans l’atmosphère du grand magasin, la phtisie fait des progrès ; sa poitrine va se délabrant de plus en plus.

Un dimanche, il se décida à consulter un médecin réputé de grand talent.

Après l’auscultation lente et minutieuse, le vieux praticien eut un froncement de sourcils, qui n’échappa point à son client. Jacques comprit qu’il était gravement atteint, que son corps aussi se désagrégerait, impliqué et entraîné dans la ruine de son être moral.