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espoir. Ce n’est pas en vain que la veuve et l’orphelin vous implorent, ayez pitié de nous. » Cette courte mais fervente prière fut immédiatement exaucée. En relevant la tête, elle aperçut, à quelques pas d’elle, la figure bienveillante et amicale de Jean Renousse qui, n’osant dire un mot, paraissait attendre ses ordres : « Jean, lui dit-elle, en lui remettant son enfant dans ses bras, prends soin de cette pauvre petite, veille sur elle, c’est en toi seul, après Dieu, en qui nous devons nous confier. Peut-être ne pourrai-je jamais récompenser dignement ton généreux dévouement pour nous jusqu’à ce jour, mais compte sur une reconnaissance qui ne s’éteindra qu’avec ma vie. » « Madame, lui répondit celui-ci, d’une voix émue et avec noblesse, Dieu m’est témoin que si j’ai tâché de vous être utile jusqu’ici, ce n’est pas dans l’espoir d’une récompense ; je donnerais volontiers ma vie pour pouvoir vous rendre ce que vous avez perdu ; mais de grâce n’allez pas vous désespérer ! À deux pas d’ici est ma pauvre cabane, la vieille Martine, votre servante, vous y attend. J’ai pu sauver quelques linges et des provisions. Venez, Madame, et tant que Jean Renousse pourra porter un fusil, vous et la petite ne manquerez pas de nourriture et de vêtements. » Chargé de son précieux fardeau, il conduisit Madame St.-Aubin dans sa demeure où Martine l’attendait. Un feu brillant avait été allumé, le lit de sapins avait été renouvelé, on y avait étendu les quelques couvertures que Jean Renousse, dans sa sollicitude, avait sauvées du pillage.

La marmite était au feu. On offrit à Madame St.-Aubin les quelques aliments qu’on avait préservés ; elle en prit ce qu’il lui en fallait pour se soutenir et s’empêcher de mourir. La petite mangea avec l’appétit qu’on a à quatre ans ; puis toutes les deux, vaincues par les émotions de la journée, la fatigue et le sommeil qui les gagnaient, s’étendirent sur le lit de sapin et ne tardèrent pas à s’endormir profondément. Jean Renousse et Phédor se couchèrent à l’entrée de la cabane et firent bonne garde toute la nuit.

Lorsque Madame St.-Aubin s’éveilla le matin, tous les malheureux proscrits, ses compagnons d’infortune, lui avaient construit une demeure un peu plus confortable : c’était une misérable masure de pièces qui lui offrait un séjour plus spacieux, mais qu’il y avait loin de là à la maison qu’elle avait laissée.

Comment l’hiver se passa-t-il ? Laissons à M. Rameau de dépeindre ce que durent souffrir les malheureuses victimes de