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l’expatriation. C’est d’ailleurs de lui que nous empruntons la partie historique de ce récit, en ce qui concerne les Acadiens.

« Quelle que fut l’âpre sollicitude que montrèrent les Anglais, un certain nombre d’individus cependant se sauvèrent de la proscription. Comment ces pauvres gens purent-ils vivre dans les bois et les déserts ? par quelle suite d’aventures et de souffrances ont-ils passé, pendant de longues années, en présence de spectateurs auxquels on distribua leurs biens ? c’est ce que nous ignorons…

« Là, pendant plusieurs années, ils parvinrent à dérober leur existence au milieu des inquiétudes et des privations, cachant soigneusement leurs petites barques, n’osant se livrer à la culture, faisant le guet quand paraissait un navire inconnu, et partageant avec leurs amis, les Indiens de l’intérieur, les ressources précaires de la chasse et de la pêche. »

Enfin le printemps arriva. Jamais dans les longues journées d’hiver, le zèle et le dévouement de Jean Renousse ne s’étaient ralentis une seule fois. Sous le commandement de Bois-Hébert il avait été faire le coup de feu contre les Anglais, puis aussitôt sa tâche achevée, il était revenu prendre son rôle de pourvoyeur. Souvent, dans le cours de l’hiver, on l’avait vu parcourir des distances considérables, refouler au plus profond de son âme tout sentiment de haine et d’antipathie, qu’il avait voué aux Anglo-Américains, et rapporter des traitants anglais, qui étaient établis le long de la côte, à la place des malheureux Acadiens expropriés, les quelques effets qui pouvaient être utiles et agréables à ses protégées. Mais le printemps qui apporte, pour le pauvre au moins, un soupir de soulagement et une larme d’espérance ; pour l’homme qui jouit de l’aisance, un sentiment de satisfaction par anticipation des jouissances que la nouvelle saison doit lui donner, était pour les pauvres expatriés chargé d’orages.

Où iraient-ils fixer leurs demeures ? En quel endroit seraient-ils hors des atteintes de leurs implacables ennemis ? Était-il un lieu à l’abri de leurs rapines, où l’on put fournir le pain et la nourriture à la famille et aux pauvres enfants qui les réclamaient ? Telles furent les questions que se posèrent les Acadiens de la colonie que M. St.-Aubin avait formée.

Plusieurs décidèrent de demeurer dans les bois, d’autres résolurent d’aller rejoindre leurs concitoyens échelonnés sur la côte,