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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/414

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MÉMOIRES SECRETS

et, comme il arrive souvent, il ne répond pas à la longue attente des amateurs : il est en quatre chants, suivant la division naturelle, et en grands vers. Les gens de goût préfèrent quelques pièces du même auteur, connues depuis long-temps, courtes, vives et légères, à ce fatras de poésie prodigué dans ce volume.

Ier Mars. — Les Comédiens Français, conformément aux ordres des gentilshommes de la chambre, ont remis aujourd’hui sur la scène le Siège de Calais, cette tragédie dont M. de Belloy ambitionnait la reprise avec tant d’ardeur. Il paraît qu’il n’a pas eu tort, comme le craignaient ses partisans. Sa pièce, quoique dans le même état où elle était, et accompagnée de tous les défauts de construction, de caractère et de style qu’on lui reprochait, a été reçue, non avec l’enthousiasme d’autrefois, mais avec des applaudissemens qui feraient le succès d’une tragédie ordinaire. C’est mademoiselle Dubois qui jouait le rôle d’Aliénor ; elle n’a pas aussi mal réussi qu’on l’imaginait ; elle a même été applaudie à toute outrance par certaines gens ; mais ceux qui se souviennent d’avoir vu mademoiselle Clairon dans ce drame ne peuvent en soutenir la comparaison ; ceux qui ne s’en souviennent pas et ne l’ont pas vue, mais dans qui le goût tient lieu de modèle, l’ont trouvée froide, sans noblesse, et jouant quelquefois à contre-sens. Du reste ses grands bras sont insoutenables, et détruisent toute l’illusion que pourraient causer son bel organe et sa figure.

M. de Belloy n’a pas encore été content de la manière dont les Comédiens ont repris le Siège de Calais ; il s’est imaginé, d’après les tracasseries précédentes, qu’il y avait de l’humeur de leur part, et qu’elle avait contribué à les faire mal jouer ; il en a porté ses plaintes à M. le