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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/434

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MÉMOIRES SECRETS

quel respect il a pour elle, et avec quelle humilité il s’est empressé de satisfaire aux devoirs de catholicité.

25. — Le sieur Velaine était un clerc de procureur, fort malaisé. Mademoiselle Hus ayant eu occasion de le voir quelquefois, l’avait pris dans une sorte d’affection. Sa jeunesse, sa figure, quoique n’ayant rien de rare, sa douceur et son esprit lui plurent ; elle s’y attacha tellement, qu’elle lui proposa de quitter cet état de clerc, d’embrasser celui de comédien ; elle ajouta qu’elle se chargeait de tous les frais et de toutes les démarches, même de sa personne. Le jeune homme ne put résister à tant de grâces et à une perspective si riante ; il entra chez mademoiselle Hus, et depuis deux ans environ il était à la Comédie. La reconnaissance envers une femme aimable dégénère facilement en amour ; celui du sieur Velaine est devenu tel, que, malgré les représentations de ses amis et des médecins, il a voulu consacrer à sa bienfaitrice jusqu’à son dernier souffle. Celle-ci, à son tour, a fait à son égard tout ce qu’on pouvait attendre d’elle, et même au-delà. Elle n’a point quitté cet amant languissant qui était depuis un mois à Sceaux. Le curé de cet endroit, qui l’a suivi, ne s’est point opposé aux soins de mademoiselle Hus et à sa tendresse, qu’il regardait d’avance comme les fruits d’un hymen que les amans s’étaient promis et qu’ils devaient effectuer au rétablissement du moribond. Enfin, le sieur Velaine est mort le 19, entre les bras du curé et de mademoiselle Hus. Aussitôt celle-ci s’est jetée sur le cadavre, et s’est livrée à toutes les extravagances de l’amour le plus effréné. Le curé, n’écoutant que ses sentimens d’humanité, a arraché de là l’actrice, a fait mettre les chevaux à son carrosse