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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/445

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AVRIL 1769

d’accumuler louis sur louis. Un jour qu’il était allé à la campagne pour quelque temps, ayant laissé sa ménagère chez lui, se présentent des quidams en robe, rabat, etc. ; ils frappent : la gouvernante ouvre ; ils lui déclarent en pleurant que son maître est mort, et qu’ils viennent mettre les scellés. La pauvre femme tout interdite se livre à sa douleur ; cependant après avoir annoté les gros meubles, ils demandent les clefs des armoires pour serrer ce qui traînait. Ils vont au secrétaire, trouvent un magot en or de dix-huit mille livres ; ils requièrent la bonne dame de se charger de cet argent, suivant l’usage ; elle témoigne une répugnance qu’ils étaient bien disposés à faire naître ou à prévenir ; on lui dit qu’on va lui donner une décharge et dresser procès-verbal, comme quoi M. le commissaire restera chargé de cet objet, ainsi que des bijoux et argenterie, qu’il n’est pas prudent de laisser sous les scellés. Leur coup fait, ils expédient promptement le reste de cette comédie, et prennent congé de la gouvernante, en la déclarant gardienne, en lui donnant quelque argent comptant, et en l’exhortant à se consoler. Au bout de quelques jours, le maître revient et frappe à sa porte. La gouvernante ouvre et referme brusquement, en se signant ; elle croit voir un revenant. Le vieillard ne sait ce que ce manège veut dire ; il frappe de nouveau et fait grand fracas. Tous les voisins accourent, et le bruit de sa mort étant répandu dans le voisinage, ils sont dans la même épouvante. De plus hardis cependant entrent en pour-parler : le prétendu revenu ne conçoit rien à cette histoire. La porte s’ouvre enfin une seconde fois : il demande à sa gouvernante l’explication de cette fourberie. Elle raconte ce qui s’est passé, lui fait voir les scellés partout ; il n’a rien de plus