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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 2 - 1766-1769 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/453

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JUIN 1769

la postérité. La figure du Temps est très-belle, ainsi que celle de l’Hymen ; et cet ouvrage, en tout, fait honneur à son auteur, qui a un grand nom à soutenir.

8. — On voit aussi chez le sieur Coustou une Vénus et un Mars, deux figures exécutées en marbre pour le roi de Prusse, et qui sont prêtes à être envoyées à ce monarque. La Vénus, belle de ses seuls charmes, est dans une nudité qui laisse admirer la pureté du dessin du compositeur, la correction de son ciseau et le fini de son faire. Un voile qui l’entoure légèrement par le milieu du corps offre un nouvel ouvrage admirable par la délicatesse de ses plis et les ondulations presque flottantes de l’étoffe. Le Mars est revêtu de son armure guerrière, et l’artiste, dans sa composition, paraît s’être rempli du monarque auquel est destiné la statue. Le Dieu des combats n’est pas dans l’attitude du commandement, mais semble jeter le coup d’œil du génie et de l’observation qui précèdent les ordres à donner. Son visage annonce un héroïsme tranquille et le sang-froid philosophique d’un guerrier obligé par état d’exterminer ses semblables. Les critiques reprochent trop de froideur à la première statue, ainsi qu’à celle-ci. L’une n’a point cet air séducteur, attribut de la reine de la Beauté ; l’autre manque du caractère sanguinaire, essentiel au dieu des combats : en un mot, Vénus n’est qu’une nymphe, et Mars qu’un simple guerrier.

9. — La France semble être le pays de l’Europe qui rende le moins de justice au grand poète qui fait aujourd’hui l’honneur de notre patrie et de son siècle. Tandis qu’il gémit sur les limites d’une de nos provinces, que, sans être exilé, il semble dans une sorte de proscription, dans un éloignement injurieux que ses ennemis