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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 3 - 1769-1772 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/149

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MARS 1770.

dalisé de cette préférence, que la première actrice n’a jamais eu aucune insolence à l’égard de ses camarades, ni envers lui. D’ailleurs, le droit d’ancienneté, son mérite personnel, son jeu sublime, tout paraissait devoir lui assurer cet honneur et ce droit.

5. — M. le duc d’Aiguillon se trouvant chez le roi, prétend que Sa Majesté parut inquiète de sa santé, lui demanda s’il ne se portait pas bien, et remarqua qu’il lui paraissait jaune. On assure que le duc de Noailles, en possession de tout sacrifier à ses bons mots, dit : « Ah ! Sire, Votre Majesté voit toujours les gens bien favorablement, car le public le trouve bien noir. »

6. — Le sieur Darigrand est un avocat fort renommé dans son genre. Il s’est spécialement voué aux affaires qui intéressent les droits du roi, et c’est le fléau des fermiers-généraux[1]. Comme il a été anciennement à leur service, il connaît tous les détours, tous les subterfuges, toutes les vexations du métier. Ce zèle infatigable à combattre les traitans lui a fait beaucoup d’ennemis. Enfin il a été déféré à l’Ordre, comme ayant prévariqué dans les fonctions de son état, comme coupable de s’être prêté à des choses illicites, comme susceptible de corruption, d’escroquerie, etc. Son affaire a été jugée mardi par ses confrères assemblés. Plus de cent ont persisté à le trouver innocent, malgré treize qui le jugeaient coupable. La séance s’est terminée par reconnaître qu’il n’était point dans le cas d’être rayé du tableau, mais bien d’être rappelé par le bâtonnier à une délicatesse de sentimens, dont son éducation ou sa façon de penser ne lui avaient peut-être pas fait assez connaître l’importance, mais essentielle à la noble profession qu’il exerçait.

  1. V. 8 décembre 1763 et 6 janvier 1764. — R.