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Les nénufars, dans la mare déserte,
Fleurissaient sur les eaux,
Où se formait une enveloppe verte
À l’abri des roseaux.

Dis, nous vois-tu dévastant les groseilles
Et les grains du cassis ?
Autour de nous voltigeaient les abeilles,
L’éclatante chrysis,

Et mille oiseaux, en bandes familières,
Se penchaient tout le jour
Pour boire, au bord des urnes que des lierres
Tapissaient à l’entour.

La solitude avait pris sa revanche.
Dans ce recueillement
L’ortie, hélas ! coudoyait la pervenche :
C’était morne et charmant.

Nous jouions là, gais pour une chimère,
Courant, ou bien assis
Dans le gazon. Parfois notre grand’mère,
La veuve aux chers soucis

Qui fut si belle et qui mourut si jeune,
Se montrait sur le seuil,
Le front pâli comme par un long jeûne,
Triste et douce, en grand deuil.


Juin 1846.