Page:De Banville - Les Stalactites.djvu/95

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Ô Cypris ! le chœur la renverse dans la poussière,
Son corps palpitant roule dans la fange grossière ;
Les vierges des bois marchent dans son sang et ses pleurs,
Et foulent aux pieds son sein qui ressemble à des fleurs.

Sa bouche frémit de désespoir et de tendresse ;
Fière d’expirer au milieu de sa double ivresse,
Dans son sang plus pur que le vin coulant sur l’autel
Voici qu’elle meurt, les yeux sur le jeune immortel.

Bacchos triomphant n’a pas vu, dans la sainte fièvre,
Mourir à ses pieds la belle Nymphe aux pieds de chèvre,
Ni couler son sang, ni le vin, qui s’échappe à flots
De l’urne d’airain, bouillonner avec des sanglots.

Il rêve à Câma, l’Amour aux cinq flèches fleuries,
Qui, lorsque soupire au milieu des roses prairies
Le doux Vasanta, parmi les bosquets de santal,
Envoie aux cinq sens les flèches du carquois fatal.

Il vous voit errer le long des bords sacrés du Gange,
Et plonger dans l’or que roule son azur étrange
Votre sein plus blanc que les neiges de l’Imaos,
Vierges de Nysa, qui vous couronnez de lotos !

Et, suivant le rit, brisant leurs mouvantes colonnes,
La mâle Bacchide et les hurlantes Mimalones
Sautent avec rage autour du bois, et font encor
Dans les airs lassés retentir les crotales d’or !


Juin 1845.