auprès d’un grand feu que nous nous appliquâmes à entretenir, tâchant de nous défendre de la pluie avec la voile du petit canot. La nuit fut affreuse, le vent et la pluie redoublèrent et ne nous laissèrent d’autre parti à prendre que de rebrousser chemin au point du jour. Nous arrivâmes à la frégate à huit heures du matin, trop heureux d’avoir gagné cet asile ; car bientôt le temps devint si mauvais qu’il eût été impossible de nous mettre en route pour revenir. Il y eut pendant deux jours une tempête décidée, et la neige recouvrit toutes les montagnes.
Cependant nous étions dans le cœur de l’été et le soleil était près de dix-huit heures sur l’horizon.
Quelques jours après, j’entrepris avec plus de succès une nouvelle course pour visiter une partie des Terres de Feu et pour y chercher un port vis-à-vis le cap Forward ; je me proposais de repasser ensuite au cap Holland et de reconnaître la côte depuis ce cap jusqu’à la baie Française, ce que nous n’avions pu faire dans la première tentative. Je fis armer d’espingoles et de fusils la chaloupe de La Boudeuse et le grand canot de L’Étoile ; et le 27, à quatre heures du matin, je partis du bord avec MM. de Bournand, d’Oraison et le prince de Nassau. Nous mîmes à la voile à la pointe occidentale de la baie Française pour traverser aux Terres de Feu, où nous atterrâmes sur les dix heures à l’embouchure d’une petite rivière, dans une anse de sable, mauvaise même pour les bateaux. Toutefois, dans un temps critique, ils auraient la ressource d’entrer à mer haute dans la rivière où ils trouveraient un abri. Nous dînâmes sur ses bords dans un assez joli bosquet qui couvrait de son ombre plusieurs cabanes sauvages.
Après midi nous reprîmes notre route en longeant à la rame la Terre de Feu ; il ventait peu de la partie à l’ouest, mais la mer était très houleuse. Nous traversâmes un grand enfoncement dont nous n’apercevions pas la fin. Son ouverture d’environ deux lieues est coupée dans son milieu par une île fort élevée. La grande quantité de baleines que nous vîmes dans cette partie et les grosses houles nous firent penser que ce pourrait bien être un détroit, lequel doit conduire à la mer assez proche du cap de Horn. Étant presque passés de l’autre bord, nous vîmes plusieurs feux paraître et s’éteindre ; ensuite ils restèrent allumés, et nous distinguâmes des sauvages sur la pointe basse d’une baie