Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/168

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passage d’aucun homme ; les sauvages de cette partie ne quittent guère les bords de la mer qui fournissent à leur subsistance. Au reste, toute la portion de la Terre de Feu, comprise depuis l’île Sainte-Elisabeth, ne me paraît être qu’un amas informe de grosses îles inégales, élevées, montueuses et dont les sommets sont couverts d’une neige éternelle. Je ne doute pas qu’il n’y ait entre elles un grand nombre de débouquements à la mer. Les arbres et les plantes sont les mêmes ici qu’à la côte des Patagons ; et, aux arbres près, le terrain y ressemble assez à celui des îles Malouines.

Je joins ici la carte particulière que j’ai faite de cette intéressante partie de la côte des Terres de Feu. Jusqu’à présent, on n’y connaissait aucun mouillage, et les navires évitaient de l’approcher. La découverte des trois ports que je viens d’y décrire facilitera la navigation de cette partie du détroit de Magellan. Le cap Forward en a toujours été un des points les plus redoutés des navigateurs. Il n’est que trop ordinaire qu’un vent contraire et impétueux empêche de le doubler : il en a forcé plusieurs de rétrograder jusqu’à la baie Famine. On peut aujourd’hui mettre à profit même les vents régnants. Il ne s’agit que de hanter la Terre de Feu, et d’y gagner un des trois mouillages ci-dessus, ce que l’on pourra presque toujours faire en louvoyant dans un canal où il n’y a jamais de mer pour des vaisseaux. De là toutes les bordées seront avantageuses et, pour peu que l’on s’aide des marées qui recommencent ici à être sensibles, il ne sera plus difficile de gagner le port Galant. Nous passâmes dans le port de la Cascade une nuit fort désagréable. Il faisait grand froid et la pluie tomba sans