Page:De Bougainville - Voyage autour du monde, 1771.djvu/50

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Les naturels, qui habitent cette partie de l’Amérique, au nord et au sud de la rivière de la Plata, sont du nombre de ceux qui n’ont pu être encore subjugués par les Espagnols et qu’ils nomment Indios bravos. Ils sont d’une taille médiocre, fort laids et presque tous galeux.

Leur couleur est très basanée et la graisse dont ils se frottent continuellement les rend encore plus noirs. Ils n’ont d’autre vêtement qu’un grand manteau de peau de chevreuil, qui leur descend jusqu’aux talons, et dans lequel ils s’enveloppent. Les peaux dont il est composé sont très bien passées : ils mettent le poil en dedans, et le dehors est peint de diverses couleurs. La marque distinctive des caciques est un bandeau de cuir dont ils se ceignent le front ; il est découpé en forme de couronne et orné de plaques de cuivre. Leurs armes sont l’arc et la flèche : ils se servent aussi du lasso et de boules. Ces Indiens passent leur vie à cheval et n’ont pas de demeures fixes, du moins auprès des établissements espagnols. Ils y viennent quelquefois avec leurs femmes pour y acheter de l’eau-de-vie et ils ne cessent d’en boire que quand l’ivresse les laisse absolument sans mouvement. Pour se procurer des liqueurs fortes, ils vendent armes, pelleteries, chevaux ; et quand ils ont épuisé leurs moyens, ils s’emparent des premiers chevaux qu’ils trouvent auprès des habitations et s’éloignent. Quelquefois ils se rassemblent en troupes de deux ou trois cents pour venir enlever les bestiaux sur les terres des Espagnols, ou pour attaquer les caravanes des voyageurs.