Page:De Broyer - Feuillets épars, contes, 1917.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, dans cet air impur, on sentait, malgré tout, l’haleine du printemps. Une romance, venue d’on ne sait quelle mansarde, chantait aux oreilles de la jeune fille.

Elle sentait que tout, autour d’elle, était heureux de vivre, même cette vieille paysanne. Elle se répétait : « Oh ! pardon, j’oubliais… »

Elle n’était donc pas une femme comme une autre. Une immense tristesse l’envahit, elle voulut revoir sa mère, sa famille qu’elle avait laissée là-bas, bien loin.

Elle avait faim de caresses, de mots tendres… Elle pleura. Et c’était ça ses vingt ans, à elle…

Maintenant, une sorte de colère la prenait contre ces vêtements qui faisaient d’elle une étrangère au monde, aux hommes. Elle eût voulu les arracher et s’enfuir bien loin de cette chambre malsaine où s’étiolait sa jeunesse. Elle revoyait le grand couvent triste, la supérieure méchante, hypocrite et les autres…

Son cœur se serrait à la pensée d’y retourner.

Pourtant cela devait durer toujours…

La malade gémit et voulut se soulever. Sœur Saint-André lui prit les mains…

La femme regarda cette figure étrangère avec de grands yeux étonnés. Elle balbutia quelques mots incompréhensibles, puis se mit à rire horriblement. Sœur Saint-André eut peur, elle appela, mais personne ne vint. La mourante s’emparait de ses bras et les meurtrissaient de ses ongles sales. La religieuse, toute pâle, cherchait à se dégager de l’étreinte… Elle criait. Mais son appel se perdait dans la rumeur qui montait de la rue.

Enfin, la malade lâcha prise et sa tête retomba lourdement sur le coussin. Sa respiration sifflait…