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Page:De Charrière - Lettres écrites de Lausanne.djvu/12

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vous êtes romanesque ! Votre gendre est médiocre ; mais votre fille est-elle d’un caractère ou d’un esprit si distingué ? On la sépare de vous ; aviez-vous tant de plaisir à l’avoir auprès de vous ? Elle vivra a Paris ; est-elle fâchée d’y vivre ? Malgré vos déclamations sur les dangers, sur les séductions, les illusions, le prestige, le délire, &c. seriez-vous fâchée d’y vivre vous-même ? Vous êtes encore belle, vous serez toujours aimable ; je suis bien trompée, ou vous iriez de grand cœur vous charger des chaines de la Cour si elle vous étoient offertes. Je crois qu’elles vous seront offertes. À l’occasion de ce mariage on parlera de vous, & l’on sentira ce qu’il y auroit à gagner pour la Princesse qui attacheroit à son service une femme de votre mérite, sage sans pruderie, également sincère & polie, modeste quoique remplie de talens. Mais voyons si cela est bien vrai. J’ai toujours trouvé que cette sorte de mérite n’existe que sur le papier où les mots ne se battent jamais quelque contradiction qu’il y ait entr’eux. Sage & point prude ! Il est sûr que vous n’êtes point prude : je vous ai toujours vue fort sage ; mais vous ai-je toujours vue ? M’avez-vous fait l’histoire de tous les instans de votre vie ? Une femme