Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus fortes idées de droit et de justice. Puisque, dirait-on, le bien et le mal ont la même valeur aux yeux de Dieu, soyons bons ou méchants selon notre caprice. Notre globe présenterait le spectacle qu’il présenta avant l’an 1000 qui devait, disait-on, amener sa destruction par le feu. Les simples se hâteraient d’abord de donner leurs biens aux moines qui n’en auraient que faire, devant partager le sort commun. Jeunes et vieux, sains et malades, tous se hâteraient de vivre. Le monde, ivre de peur, se ruerait dans la rue, qu’il souillerait de débauches inouïes, le vin coulerait en rouges ruisseaux sur les jambes nues des filles éhontées. On boirait aux sept péchés capitaux. Les vieux avares, se tirant hors de leurs trous, eux et leurs trésors, et voulant jouir vite, mourraient de leur première orgie. Les sages et les vierges, devenus satyres et bacchantes agiteraient leurs thyrses obscènes sur les places publiques. Les chiens rougiraient des hommes.

» Ce n’est point là, sans doute, le sort qu’on nous réserve, car, vous savez bien, madame, qu’il ne s’agit point de bouleverser le champ, ni d’y semer du sel, mais d’en arracher l’ivraie.

» Voici, nous semble-t-il, ce qu’il faudrait détruire :

» D’abord la taupe et le hibou, sans pitié ; ces deux amis intimes sont méchants, hypocrites, sournois et tous