Page:De Coster - Contes brabançons, 1861.djvu/101

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dirons qu’elle est belle et pour la faire chanter, nous lui ferons boire du vin vieux si nous en avons, et du nouveau si nous n’avons pas de vieux. Et puis après, ma foi, nous attendrons le feu et nous mourrons en chantant.

» Mais en vérité je ne puis croire que nous devions tous y passer, tous, les bons et les méchants ! Non. Si cela pouvait entrer dans ma pensée nous en appellerions à Dieu, malgré tout le respect que nous vous portons.

» Car, madame, il existe au-dessus de vous un tribunal suprême, et nous avons le temps de nous pourvoir en cassation.

» Comment, voici bientôt quatre mille ans que les tondeurs ont raison contre les tondus, et après ce temps incalculable qu’il vous était loisible de consacrer à peser d’avance nos actes futurs, après ces quatre mille ans, vous viendriez brutalement frapper tout ce qui respire.

» Comment ! le bon Dieu vous envoie pour écheniller le vieil arbre de vie, et vous couperiez les branches, vous abattriez le tronc, vous arracheriez les racines. Non, non, j’ai besoin de vous croire juste.

» Savez-vous bien, si vous ne l’étiez pas, ce qui en adviendrait du monde ? Permettez-nous de vous le dire : tous devant mourir brûlés au même feu, et tous en étant convaincus, chacun sentirait renversées dans son esprit ses